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Un skipper invente la dynamo des mers
mercredi, 20 octobre 2010 / Florence Maître

Même poussé par les alizés, un voilier brûle du gazole pour produire l’électricité indispensable à la vie à bord. L’hydrogénérateur met fin à cette absurdité marine.

Novembre 2008. Moins de deux jours après le départ du Vendée Globe, le bateau de Yannick Bestaven perd son mât en pleine tempête, mettant fin prématurément à son tour du monde à la voile, en compétition, sans brûler une goutte de gazole. On oublie trop souvent que les voiliers brûlent du pétrole pour produire l’électricité nécessaire à la vie à bord. Yannick Bestaven comptait, lui, utiliser les énergies éolienne et solaire, et surtout son « bébé » : l’hydrogénérateur (1). « On se sert du déplacement du bateau et de l’énergie qu’il produit pour alimenter les systèmes électriques, explique le skipper, exactement comme la dynamo sur un vélo ! » Pour cela, on plonge dans l’eau une hélice branchée sur un alternateur et le tour est joué. « L’idée n’est pas nouvelle, raconte le marin. Dans les années 1980, Eric Tabarly et surtout Philippe Poupon se sont penchés sur le problème. Sur un Vendée Globe, le second n’a pas allumé son moteur depuis les Sables-d’Olonne jusqu’en Afrique du Sud. Grâce aux technologies actuelles, nous avons amélioré ces idées géniales. »

Des navigateurs conquis

Yannick Bestaven a dû mettre un temps la compétition entre parenthèses pour développer le procédé – avec Mathieu Michou, ingénieur de l’Ecole centrale de Nantes – et créer la société Watt and Sea à La Rochelle. Le succès est au rendez-vous. Bientôt, 8 skippers auront équipé leur bateau d’un hydrogénérateur, dont Roland Jourdain. « L’idéal serait de faire le tour du monde avec un peu d’éolien et de solaire, un hydrogénérateur, et quelques litres de gazole ou une batterie les jours où le vent est pratiquement nul, comme dans le Pot au noir, imagine le double vainqueur de la Transat Jacques Vabre. Le gain de poids est évident : une trentaine de kilos pour l’hydrogénérateur contre 250 litres de gazole ! En tant que citoyen et amoureux de la mer, je trouve génial de pouvoir naviguer sans utiliser des énergies fossiles à la fois polluantes, rares et chères. »

Sur l’eau en parfaite autonomie

Pour les plaisanciers amateurs, une version simplifiée est commercialisée depuis septembre. Le produit, de fabrication 100 % française, coûte environ 5 000 euros. Les chantiers Allures, à Cherbourg, et Outremer, à La Grande-Motte, le proposent sur les bateaux de 40-50 pieds. « Beaucoup de gens, pas forcément fortunés, choisissent un jour de s’installer sur un bateau pour faire le tour du monde, explique Xavier Desmarest qui codirige les deux sociétés. L’hydrogénérateur s’inscrit dans ce projet de vie qui implique une sensibilité à la protection de l’environnement. Il va probablement vite devenir une option que tout le monde choisit, comme les panneaux solaires. »

Watt and Sea a fait évoluer les mentalités : en 2008, malgré un bateau entièrement équipé en énergies renouvelables, Yannick Bestaven avait été contraint par le règlement du Vendée Globe d’embarquer des centaines de litres de carburant. Désormais, les concurrents peuvent partir avec une quantité de gazole réduite. —

(1) Lors de ce même Vendée Globe, Raphaël Dinelli a terminé en 10e place avecun bateau fonctionnant uniquement au solaire et à l’éolienne.

- Le site de Watt and Sea