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Tetra Pak se suremballe
mercredi, 20 octobre 2010 / Emmanuelle Walter

Avec sa dernière campagne de pub, le leader mondial de la brique alimentaire a frôlé le carton jaune. Les bons élèves ne sont décidément pas à l’abri d’un excès de confiance. Cas d’école.

Bigre. Voilà une campagne intitulée « Le Geste nature », orchestrée par des agences dites « responsables » et validée par le WWF. Son communiqué de presse vante « une démarche de publicité responsable ». Enfin, le produit – la brique alimentaire Tetra Pak – est réputé pour son faible impact environnemental. Alors tout baigne ? Euh, pas totalement. Personne n’est parfait.

La campagne

Avec 12 000 affiches cet été, des pages dans 40 magazines, sans oublier des cartes commerciales disponibles dans les cafés, difficile de passer à côté de ses visuels loufoques mettant en scène des écolos trop zélés. Cette campagne a pour objet « de susciter la préférence pour l’emballage carton auprès des consommateurs et des clients industriels, explique Anne-Valérie Laplanche, responsable communication de Tetra Pak en France. L’idée est de montrer au consommateur qu’on peut faire de l’écologie très simplement, en achetant du lait ou du jus de fruit en brique plutôt qu’en bouteille plastique. » Pendant le processus de création, ça a bataillé ferme entre le WWF, partenaire de Tetra Pak depuis 2005, et les deux agences de com (Manifeste et Ailleurs Exactement).

D’abord sur les visuels. Se moquer de l’engagement écologique est formellement déconseillé par l’Arpp, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité. « Le WWF nous a fait savoir que la destruction de nids d’hirondelles ou de martinets était punie par la loi. Impossible donc de rire de ceux qui les protègent. On était embêtés, mais on a fini par remplacer le nid par des écureuils, moins menacés », raconte-t-on chez Tetra Pak. 

Ensuite sur les messages. La première version proposée était la suivante : « Il y a un geste plus simple pour préserver notre planète. Il suffit de choisir un emballage signé Tetra Pak. » Jacques-Olivier Barthes, directeur de communication du WWF, a rappelé à l’enseigne qu’elle ne devait pas s’attribuer des vertus environnementales démesurées. « C’est bien le comble : nous, écolos depuis toujours, on a failli verser dans le “ greenwashing ” », admet-on chez Tetra Pak. La modification, subtile – « mieux préserver » au lieu de « préserver », « choisir », au lieu de « il suffit de choisir » – change (un peu) la donne. D’un seul coup, l’achat d’une brique apparaît moins comme l’alpha et l’oméga du sauvetage de la Terre.

Ecolo, vraiment ?

La brique alimentaire est certainement plus vertueuse que la bouteille plastique. L’analyse du cycle de vie du modèle Tetra Pak le montre largement. La pub peut mentionner à juste titre que la brique est « recyclable » et constituée « à 73 % de carton, donc de bois » issu de forêts certifiées. Mais il y a un hic : « Le talon d’Achille de la brique alimentaire, c’est le recyclage, signale Yvan Liziard, ex-directeur technique d’Eco-Emballages, qui fut consulté par Tetra Pak pour contrôler l’analyse du cycle de vie. Comme elle contient, en sus du carton, des films de plastique (en polyéthylène, ndlr) et d’aluminium, cette phase est complexe et peu rentable. Certains acteurs du recyclage y renoncent et préconisent l’incinération. » Patrick de Noray, directeur de l’environnement chez Tetra Pak, se veut confiant : « Avec les papetiers-recycleurs, nous sommes en train de mettre au point une technique qui rendra cette étape moins coûteuse. Fin 2011, l’ensemble des composants d’une brique seront recyclés. »

Verdict

Vendre un produit écolo en se moquant des écolos, en déresponsabilisant un poil le consommateur qui peut se sentir vert à peu de frais et en se vantant d’avoir réalisé une campagne de pub vertueuse : on a frôlé la cata. Cet excès de confiance échappe cependant au syndrome du « greenwashing », puisque la brique reste un emballage de liquide alimentaire assez peu impactant. Ouf ! —


L’AVIS DE L’EXPERT : 3/5

Marie-France Corre, consultante en consommation responsable :

Le mauvais point « Laisser croire aux consommateurs qu’il suffit d’acheter du lait en briques pour sauver la planète, le tout dans des décors naturels. J’ajoute que de nouveaux types d’emballages allégés (poches plastiques souples) et recyclés, pourraient avoir un cycle de vie moins impactant que celui de la brique. »

Le bon point « La pub incite les consommateurs au recyclage. Beaucoup ignorent que la brique se trie. »