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Marée rouge en Hongrie : quelles conséquences économiques ?
jeudi, 7 octobre 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Trois jours après l’accident dans une usine d’aluminium près de Budapest, le bilan est lourd : quatre morts, une centaine de blessés. Mais quels seront les dommages économiques dus aux boues dans un mois ? Un an ? « Terra eco » a imaginé l’addition.

Lundi 4 octobre, un bassin de rétention cède dans une usine d’aluminium située à Ajka, à 160 km de Budapest en Hongrie. Ce jeudi, on compte quatre morts, six disparus, une centaine de blessés, des villages évacués, des rivières contaminées. Pour quelles conséquences économiques à long terme ?

- L’agriculture condamnée pour des années ?

Là où paresse aujourd’hui une couche de boue rouge poussaient autrefois du blé, du maïs, des pommes de terre… De quoi menacer les ressources alimentaires du pays ? « Comparé à l’étendue des terres agricoles du pays, la zone touchée n’est pas si grande. Nous n’allons pas mourir de faim », tempère Gabor Figeczky, directeur adjoint de WWF-Hongrie. Reste que pour la région, l’impact est catastrophique. Du chrome, du cadmium, du plomb et de l’arsenic seraient présents dans les boues à des teneurs encore inconnues. « Avant de pouvoir cultiver à nouveau, il va falloir que s’écoulent des années », confie Emmanuel Bourguignon, microbiologiste au Laboratoire d’analyses microbiologiques des sols (LAMS). « Ce sont des éléments atomiques très lourds qui n’existent pas dans la nature. La vie ne peut rien en faire. Les racines ne peuvent pas pousser, les micro-organismes ne peuvent s’y développer. Et leur durée de vie est très longue », poursuit-il. Pendant que les terres récupèrent, qui compensera les pertes des agriculteurs ? « Peut-être les compagnies d’assurance, l’entreprise responsable de l’accident ou le gouvernement hongrois. Ce n’est pas encore très clair », répond Gabor Figeczky.

- L’eau potable contaminée ?

Première affectée, la rivière Marcal. « Tous les poissons sont morts et la vie a disparu », assure Gabor Figeczky du WWF. A son tour, la rivière Raba a été contaminée puis le Danube. Là, les analyses ont révélé un taux alcalin supérieur à la moyenne. Pour quelles conséquences ? Autour d’Ajka, il n’y a pas de pêche commerciale, assure Gabor Figeczky. « Seuls quelques pêcheurs à la ligne. » Pour l’instant, les autorités déversent des éléments acides pour faire baisser le pH des cours d’eau… Mais on ignore encore quel sera l’impact de ces mesures. « Déverser ce genre de produits dans la nature n’est pas très recommandé, confie simplement Zsolt Szegfalvi de Greenpeace-Hongrie. Pour l’instant les autorités tentent de parer à l’urgence sans penser à long terme. »

Par ailleurs, la contamination des sols risque de toucher les réserves d’eaux potables. Et « ça peut avoir un effet de bombe à retardement si le sous-sol est de nature à filtration lente. Les substances pourront prendre vingt ans à migrer », précise Emmanuel Bourguignon.

- Des nuages de poussière prêts à se former ?

« Pour l’instant il pleut sur la région mais quand la boue séchera, elle pourrait devenir de la poussière toxique », craint Zsolt Szegfalvi. « Dans les boues, ces substances sont de l’ordre du micron. Quand la boue sèche et que le vent souffle, les éléments fins s’envolent. Ça risque de créer des nuages de poussières qui ne seront pas forcément visibles. Les substances entreront dans les poumons et le sang des populations locales », souligne Emmanuel Bourguignon. Et le vent pourrait étendre le problème bien au-delà des 40 km2 aujourd’hui sinistrés.

- Une facture sanitaire salée ?

Eau potable contaminée, poussière toxique : la santé des populations risque d’en pâtir. Déjà une centaine de blessés présentant des brûlures cutanées et pulmonaires ont frappé aux portes des hôpitaux.« La peau ne se contente pas d’être corrodée. Le corps absorbe des substances qui s’accumulent dans les graisses. Elles sont alors cancérigènes ou provoquent des malformations sur les enfants », énumère Emmanuel Bourguignon.

- Des villages entiers à reconstruire ?

Dans les villages de Kolontar ou de Devecser, les murs des maisons sont rougis sur deux mètres de hauteur. Pour beaucoup, un simple nettoyage ne suffira pas. « On ne peut pas juste nettoyer les maisons. Les gens ne voudront pas revenir. Il faut les détruire et les reconstruire », explique Zsolt Szegfalvi de Greenpeace.

- L’addition :

Impossible de vraiment chiffrer la note. Réparer les dégâts devrait coûter « des dizaines de millions de dollars » et prendre « au moins un an », a précisé le secrétaire d’Etat à l’environnement hongrois. « Des centaines de millions d’euros », estime pour sa part Zsolt Szeglalvi de Greenpeace.