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Développement durable : il n’y a que le premier pas qui coûte
mardi, 5 octobre 2010 / Tristan Lecomte (Alter Eco) /

Né en 1973 à Reims (Marne), Tristan est diplômé de HEC. Il a fondé Alter Eco en 1998. En 2008 il lance Pur Projet. Tristan vit en Thaïlande près de Chiang Mai depuis 2010 et chronique pour Terra eco depuis 2009.

Suite à son portrait paru dans le dernier numéro de « Terra eco », Tristan Lecomte, pédégé d’Alter Eco, nous a adressé cette chronique. Selon lui, il faut se garder de toute suspicion vis-à-vis des personnes et des entreprises qui se mettent au « durable ».

Imaginez un psychiatre qui dirait à son patient que sa pathologie est trop grave pour qu’il l’aide à changer. Imaginez Roméo qui se lasse du combat pour conquérir Juliette. Le dalaï-lama qui ne se préoccupe plus de la cause tibétaine, croyant le combat perdu d’avance. Impossible, direz-vous ? C’est pourtant ce qui se passe chaque fois que nous mettons en doute l’engagement de quelqu’un ou d’une entreprise pour le développement durable.

Il est contre-productif d’empêcher un homme ou une organisation de changer, d’être suspicieux et immédiatement critique, au lieu d’accueillir l’initiative et l’encourager. C’est ne pas avoir soi-même suffisamment confiance dans ce que représente le développement durable, comme vague inéluctable et profonde de changement de tous les acteurs et de tous les comportements. C’est ne pas croire en sa propre capacité de changement, ne pas savoir changer son regard sur les autres et garder une forme de rancune, de jalousie. Comme si ce changement nous était réservé. Alors qu’au fond, tout le monde est invité à changer, si ce n’est pas conviction, au moins par nécessité, c’est ce que dit le développement durable et rien d’autre.

Qu’importe la manière et l’étendue du premier pas, l’important c’est que l’homme et les organisations soient engagés dans la dynamique du changement. Nicolas Hulot le dit lui-même : « Le développement durable, on peut y venir par opportunisme, on y reste toujours par conviction ». A s’engager, les nouveaux arrivants prennent progressivement conscience des multiples valeurs ajoutées de la démarche pour eux-mêmes et l’entreprise. Ils sont plus satisfaits, plus riches de cette vision qui anoblit leur métier et leur vie. Elle crée de la richesse et du lien humain. Rassurés de ce premier pas réussi, ils s’engagent à nouveau, pour un second pas, et ainsi de suite… Le mouvement s’accélère, jusqu’à ce que le développement durable soit devenu partie intégrante de leur vie et des activités d’une organisation. Ils sont le développement durable, tout simplement. Il n’en est jamais autrement.

Certains engagements sont mal accueillis par le public car ils contrastent trop avec l’image de la personne ou de l’organisation en question. On peut comprendre le phénomène de rejet à première vue. Mais il ne doit pas perdurer, au risque de bloquer l’organisation dans son changement, voire de freiner tout un secteur d’activité ou la société dans sa mutation.

Ainsi, aujourd’hui, les principaux freins au développement durable sont dans l’accueil que l’on réserve à ceux qui annoncent s’engager. Trop souvent, on est suspicieux, incrédule ou résigné suivant les cas. Ces conservatismes du « Non, cela n’est pas possible », tant dans les entreprises d’un côté, que dans le mouvement altermondialiste de l’autre, sont les principaux obstacles au changement de fond de notre société. Il faut encourager l’union, parfois, de certains antagonismes, pour mieux les dépasser. Bloquer, c’est freiner le changement de société, d’où que l’on croit se situer.

Si l’accueil est franc, chaleureux et si toute personne encourage clairement toutes les nouvelles initiatives prises pour le développement durable, le changement va continuer de s’accélérer. Il ne s’agit pas de naïveté mais de courage et de confiance dans le sens du mouvement. Les désordres du monde ne sont que l’expression de nos propres désordres intérieurs, de nos propres frustrations, peurs et contradictions.

Sachons accueillir tous les hommes et toutes les organisations qui s’engagent pour le développement durable. Donnons de notre secteur un visage joyeux et épanoui. Donnons envie : c’est la clé du changement que nous voulons tous pour le monde, et comme disait Gandhi, que nous devons être pour le monde. Sortons de « l’âge du non », le développement durable fera le reste.