https://www.terraeco.net/spip.php?article12588
Passez à la prospérité
mardi, 21 septembre 2010 / Arnaud Gonzague

« Prospérité sans croissance : la transition vers une économie durable », Tim Jackson, De Boeck, 248  p., 17  euros.

Cet essai est-il le plus important des cinquante prochaines années ? La question paraît ronflante, mais c’est un fait : Prospérité sans croissance porte une ambition théorique immense, masquée par l’apparente humilité de son auteur, un « professeur de développement durable » qui a planché pour le gouvernement britannique. Avec Tim Jackson, ça ne rigole plus. Sa question est : comment allons-nous, concrètement, mettre en place une économie de marché qui garantisse la « prospérité » (c’est-à-dire l’épanouissement des individus) en cessant d’épuiser l’environnement ? Sur ce terrain, les « faut qu’on » et « y a qu’à » sont légion. Il y en a très peu chez lui.

Car pour étayer ses dires, Tim Jackson examine une masse considérable de concepts économiques, sociologiques, philosophiques, jongle avec les théories des uns et des autres, émet des hypothèses, les confronte aux chiffres et propose des solutions. Ambitieuses, mais applicables. Ceux qui ont lu Pourquoi ça ne va pas plus mal de Patrick Viveret ou Urgence sociale de Pierre Larrouturou lui trouveront comme un air de famille. Mais sa capacité de synthèse, sa pédagogie exigeante et son détachement politique font de son ouvrage un must… d’ailleurs bien difficile à résumer.

Les lacunes de notre temps

Disons en bref qu’il démontre – magistralement – qu’une économie basée sur la croissance classique n’est plus viable en Occident. Et qu’il nous faut imaginer deux alternatives : soit une croissance avec « découplage absolu », c’est-à-dire qui ne pèserait plus sur l’environnement – il n’y croit guère, même s’il invite les Etats à pousser dans ce sens. Soit une société sans croissance, ou « économie en état d’équilibre », mais qui ne renoncerait pas à la prospérité que nous connaissons. C’est plutôt vers cette deuxième solution que son cœur balance. Et le défi est immense ! Car Jackson pointe les lacunes intellectuelles de notre temps : personne n’a, déplore-t-il, imaginé un système macroéconomique dans lequel les données environnementales seraient prises en compte. Personne n’a réellement songé à imaginer une société qui récompenserait les comportements altruistes plutôt que l’avidité. Ni inventé le mode de gouvernement qui accompagnerait ce changement. Et rien ou presque n’a été fait pour envisager ce qu’il nomme une société de « décroissance stable ».

Se relever les manches

De tous ces chantiers essentiels, Prospérité sans croissance jette les bases et appelle la communauté des penseurs, la classe politique et médiatique à se relever les manches. Espérons que sa rigueur, son refus de tomber dans le fatalisme comme dans l’angélisme (les chapitres consacrés à notre insatiable matérialisme méritent à eux seuls le détour) et, plus généralement, dans ce qu’il nomme les « exhortations simplistes », seront contagieux. Maintenant, au boulot, les gars ! —

Lire ici l’interview de Tim Jackson


AUTRES IMAGES

JPEG - 25.3 ko
120 x 180 pixels