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« Autoroute » ou « départementale » de la mer ?
jeudi, 16 septembre 2010
/ Dominique Luneau / Journaliste, directeur de l’agence API, spécialisée dans l’information économique sur les Pays de la Loire et la Bretagne. Ancien rédacteur en chef de Presse Océan et correspondant du Monde. |
Sur son blog, le journaliste Dominique Luneau se demande si la liaison maritime ouverte entre Saint-Nazaire et Gijon a la moindre chance de concurrencer un jour le bitume et les 9 000 poids lourds qui passent chaque jour le col du Biriatou entre la France et l’Espagne.
Trente quatre millions d’euros d’aides publiques jetés à l’eau ? Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, comment ne pas s’interroger sur la pérennité de la ligne maritime Saint-Nazaire – Gijon (Espagne), inaugurée ce jeudi 15 septembre ? Le soutien financier apporté par la France, l’Espagne et l’Europe au lancement de cette liaison, qui démarre avec trois rotations hebdomadaires et espère passer à sept, a malheureusement quelques chances d’être englouti dans le golfe de Gascogne, noyé par la dure loi du marché. Le verdict ne sera pas immédiat, mais il est craint à terme par beaucoup.
Transporter des camions par mer entre le nord de l’Espagne et l’embouchure de la Loire est bien sûr une belle idée, à encourager. Cela permet d’éviter le point de passage souvent engorgé du pays Basque et répond aux exigences du développement durable. Mais la partie engagée par l’armateur GLD Atlantique, filiale de Louis Dreyfus armateurs et de l’italien Grimaldi, ne se jouera pas sur le tapis des intentions, aussi belles soient elles. C’est dans le secret des comptes d’exploitation des transporteurs que la ligne devra prouver sa pertinence. Or s’il est un domaine ou vouloir échapper à la réalité des coûts et des temps ne pardonne pas, c’est bien celui des transports internationaux. Autant donc ne pas trop se payer de mots : l’appellation qui lui est parfois donnée d’« autoroute de la mer » est mensongère. Imagine-t-on une autoroute terrestre ouverte trois fois par semaine à heure fixe ? Parler de « cabotage amélioré » comme le fait le maire de Saint-Nazaire, Joël Batteux est plus conforme à la réalité.
L’échec d’une tentative précédente de GLD entre Toulon et Civitavecchia (Italie), fondée sur les mêmes espoirs et abandonnée en 2009 après quatre ans d’existence, est un exemple à ne pas oublier, même si les conditions étaient différentes. Une ligne de cabotage maritime peut-elle concurrencer un maillage d’autoroutes et de routes terrestres desservant finement les territoires, sans contraintes horaires, comme l’exige l’organisation en flux tendus de la production et de la consommation ? Non, évidemment. Elle peut, sous réserve d’être rentable à terme, grignoter quelques parts de marché, à la marge. A petite échelle, sur l’estuaire de la Loire, l’échec récent de l’armateur Marfret, qui a lancé une liaison hebdomadaire de conteneurs entre Saint-Nazaire et Nantes et a tenu six mois seulement face à la guerre que les transporteurs routiers lui ont mené, nous le rappelle aussi.
Deux facteurs pourraient transformer en succès l’essai de cette ligne maritime franco-espagnole alternative à la route : une forte hausse de prix du pétrole ou une fiscalité européenne faisant payer au transport terrestre son vrai coût environnemental. La première reste possible à tous moments dans un monde politiquement instable et sera inéluctable quand le pic pétrolier mondial attendu sera arrivé. La seconde est paradoxalement et malheureusement beaucoup plus improbable.
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