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« Le Giec est une expérience imparfaite mais unique »
mardi, 14 septembre 2010 / Hervé Le Treut /

Hervé Le Treut est climatologue et directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace. Participe aux travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).

Hervé Le Treut, climatologue et membre du Giec, revient sur le rapport du comité inter-académique publié le 30 août.

Les débats récents sur le climat posent de manière aiguë le problème de l’expertise scientifique. Il est impossible d’argumenter une controverse scientifique en quelques minutes face à des micros ou à des caméras, ou même dans les colonnes d’un quotidien. Un mystère apparent qui voyait données satellitaires micro-ondes et données infrarouges indiquer des tendances de réchauffement opposées, a demandé près d’une décennie pour être résolu, beaucoup de minutie, et donc des lieux de confrontation qui permettent l’échange d’idées très techniques et pointues.

Le GIEC a été conçu comme l’interface entre la communauté scientifique – une communauté scientifique aussi largement ouverte que possible, se situant au niveau international – et le monde des décideurs ou des citoyens. Il est impératif que son fonctionnement inspire une confiance large et partagée, car la seule alternative est la confusion d’idées qui ne trouveront jamais à être confrontées. L’expérience du GIEC est unique (même si d’autres communautés scientifiques, celle de la biodiversité par exemple, abordent des démarches similaires), elle est certainement imparfaite, comme toute entreprise collective complexe et le rapport du comité inter-académique mis en place pour évaluer son fonctionnement mérite mieux que les commentaires un peu rapides qui ont accompagné sa sortie.

Le comité inter-académique a validé les caractéristiques essentielles du GIEC puisqu’il a demandé son renforcement. Le GIEC est jusqu’ici une structure extrêmement légère, de 5 et maintenant 10 permanents, les rapports étant rédigés par des auteurs bénévoles, qui réécrivent trois fois leur rapport, en fonction des critiques venant librement de scientifiques de toute la planète, et en s’appuyant sur des articles parus avant une date spécifiée dans des journaux à comité de lecture. Mais la mise en place de ces principes généraux réclame une réflexion attentive sur des points qui ne sont pas de détails.

Comment nommer les auteurs ? Comment s’assurer de l’absence de conflits d’intérêt ? Comment communiquer les incertitudes ? Quelles sont les limites du mandat du GIEC et à quelle distance se tenir du domaine de la décision politique ? Qui doit communiquer au nom du GIEC ? Comment permettre dans ce contexte international l’expression des efforts d’expertise organisés au niveau national ? Ces questions peuvent paraître un peu austères : mais les traiter par le mépris serait un mauvais signe pour la sérénité des débats à venir.

- Hervé Le Treut est l’auteur de Changement climatique : les savoirs et les possibles , Hervé Le Treut, Sylvestre Huet, Jérôme Chappellaz, Olivier Godard, La ville brûle, Juillet 2010