https://www.terraeco.net/spip.php?article12381
Le monde se fera-t-il du blé ?
mercredi, 22 septembre 2010 / Karen Bastien /

Rédactrice en chef du magazine et des éditions papier de "Terra eco"

Les incendies en Russie ont mis au jour la fragilité du marché du blé. La baguette est en danger.

Savez-vous qu’un battement d’aile de papillon en Californie peut provoquer un tsunami au Japon ? Et bien, cet été, nous avons frôlé le phénomène inverse : un titanesque incendie en Russie a failli provoquer la hausse du prix… de votre baguette de pain. La catastrophe russe – le grenier à blé du monde a été amputé d’un quart de sa surface céréalière – a mis au jour la fragilité de ce marché. Dans le même temps, les pays producteurs ont tous, peu ou prou, été affectés par des catastrophes climatiques : canicule en Ukraine, inondations en Roumanie, au Kazakhstan et au Canada. D’après Michel Portier, expert chez Agritel, « les aléas climatiques, à l’origine d’à-coups de la production, sont dix fois plus importants qu’il y a un siècle » (1). Cette année, la production mondiale de blé devrait ainsi chuter d’environ 4 %, passant de 675 millions de tonnes à 651 millions, selon les estimations de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Or, la consommation mondiale de blé a été multipliée par 4 en l’espace de soixante ans, passant de moins de 150 millions de tonnes en 1946 à plus de 600 millions en 2005. Et si l’on se réfère aux projections de la FAO, les besoins en blé tendre devraient atteindre sans doute 1 000 millions de tonnes en 2020 !

La quête des gènes

Face à cette boulimie de blé en puissance, les spécialistes scrutent le ciel. A première vue, l’augmentation actuelle de la quantité de gaz carbonique dans l’atmosphère a du bon ! Elle amplifie le mécanisme de la photosynthèse : les feuilles sont plus grandes et plus vigoureuses, l’absorption d’eau et d’éléments fertilisants est améliorée, et les rendements augmentent. Mais la répétition des accidents climatiques – sécheresse, canicule – mettent à mal ce scénario « idéal ». Le Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé (Cimmyt), au Mexique, s’inquiète pour les zones de culture du blé en Afrique centrale et de l’Ouest, où le taux annuel de pluviométrie est inférieur à 350 mm par an. En collaboration avec le Japon, le Cimmyt travaille donc sur la carte des gènes de blé tolérants à la sécheresse. En France, où c’est la première production agricole, l’Institut nationale de la recherche agronomique a effectué des simulations dans le cadre du projet Climator (2). Premier enseignement national : la diminution des gels hivernaux permettra une augmentation des rendements. Seconde leçon : les agriculteurs devront modifier leur façon de travailler. Les expérimentations ont montré que les semis précoces (20 septembre) permettront un gain de rendement de 5 % à 25 % par rapport aux plus tardifs (1er décembre). —

(1) « La Croix » du 5 août 2010.

(2) www.inra.fr