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L’ONG qui coule de source
jeudi, 13 janvier 2005 / David Solon /

Président de l’association des Amis de Terra eco Ancien directeur de la rédaction de Terra eco

Une petite ONG basée en Suisse tente de faire de l’eau un bien gratuit, accessible à tous et protégé de toute spéculation. Noble cause, gros challenge.

L’histoire commence à Johannesburg à l’été 2002. Margarita Pacheco assiste au Sommet mondial sur le développement durable. Professeur d’urbanisme, métissée par la Caraïbe et Bogota, cette Colombienne d’origine y formalise un vieux projet. "Et si l’eau, comme l’air, (re)devenait un bien gratuit, commun à tous et éloigné de toute tentative de spéculation ?" Tout s’enchaîne. Margarita prend des contacts, consulte, interroge. Quelques mois plus tard, l’Alliance internationale pour la gestion de l’eau de pluie (Irha) voit le jour. Le siège sera ancré à Genève en Suisse.

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Au Kenya, comme dans l’ensemble de l’Afrique, l’accès à l’eau reste difficile

"Un cinquième de la population de la planète est privé d’eau salubre [1], explique la Sud-Américaine dans un français impeccable. Cette situation est intolérable." Mais l’Irha ne fait pas qu’enrager. D’ailleurs, Margarita s’impatiente de ces belles brochures vantant la philosophie de son "entreprise" et veut du concret. Alors elle observe, recueille et propose. "Bien entendu, nous faisons du lobbying, nous tentons de convaincre, d’alerter, mais nous cherchons aussi des alternatives", ajoute-elle, presque pressée.

Rien ne se perd, tout se transforme

Grâce à une subvention octroyée par l’Etat de Genève, l’Irha a par exemple mis au point un système de captage d’eaux de pluie sur les toits d’un orphelinat à Blagoevgrad dans le sud-ouest de la Bulgarie. Vessela Moutafova qui pilote le programme s’enthousiasme. "Nous récupérons l’eau sur une surface de 1000 mètres carrés, et du coup, l’orphelinat qui compte près d’une centaine d’enfants est totalement autonome. L’eau y est même recyclée vers les jardins, les serres et les sanitaires".
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Le système de captage de l’eau dans un orphelinat en Bulgarie

"Bien sûr, argumente Margarita Pacheco, il ne s’agit que d’un micro-projet, mais la philosophie est là". D’ailleurs, la collecte des eaux de pluie est une pratique ancestrale. Pour optimiser son initiative, l’Irha collecte ainsi à travers le monde de très nombreuses expériences. En Afrique, en Inde, mais aussi en Amérique latine. Pour la jeune organisation, l’idée est de "faire jouer la complémentarité sud-sud et nord-sud". L’objectif final consistant à créer un réseau d’initiatives locales capable de pousser les gouvernements à faire de l’accès gratuit à l’eau une "vraie priorité". Mieux, selon Margarita Pacheco, "une bonne gestion de notre utilisation de l’eau constituerait sans aucun doute la clef pour éviter des tensions et des conflits dans l’avenir". Un dessein social et humanitaire certes, mais aussi géopolitique donc.

Prise de conscience au goutte-à-goutte

Pour amplifier son action, l’Alliance pour la gestion de l’eau de pluie est partie en quête de donateurs et d’investisseurs. "L’accueil est toujours bon, car tout le monde est favorable à notre projet. Mais dans les faits, c’est vraiment très difficile. La prise de conscience est lente", déplore la directrice de l’institution. Margarita ne peste pas contre le secteur privé, pourtant à l’origine de bien des blocages. "On s’est aperçu que des expériences étaient possibles. Il n’y a pas d’hermétisme total à ce que nous racontons." En mars, Genève accueillera le second Forum alternatif de l’eau. Puis ce sera le tour, en août à Stockholm, de la Semaine de l’eau. Deux occasions pour réitérer l’objectif final : consacrer ce droit à l’eau pour tous avant 2020.

Margarita Pacheco a le discours qui fuse, les mots qui claquent. "Je suis une militante, clame-t-elle. Une militante qui défend les droits de la femme, le droit à la vie... Or, la vie passe par l’eau. Notre combat nous semble donc juste. Il est seulement très difficile à mener."

Aller plus loin sur Irha (en anglais)


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