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Ellen MacArthur
jeudi, 9 septembre 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

« Le recyclage, c’est bien. L’économie circulaire, c’est mieux » explique celle qui, en 2005, battait le record du tour du monde à la voile. Depuis, la navigatrice anglaise a replié les voiles et fait la promotion, à travers sa fondation, des systèmes et des objets réutilisables à l’infini.

Créer une nouvelle génération de pensée : c’est ce à quoi s’attache la fondation Ellen MacArthur qui organise des rencontres entre jeunes et industriels et fournit des outils pédagogiques aux écoles anglaises – et bientôt françaises. De passage à Paris, l’ancienne navigatrice, 34 ans, a répondu aux questions de Terra eco.

Terra eco : A priori, on vous attendrait plutôt sur des sujets comme la défense du milieu marin. Pourtant, votre fondation parle d’économie…

Ellen MacArthur : Quand vous êtes sur un bateau, vous disposez d’une quantité limitée d’huile pour le moteur ou d’eau pour boire. Vous ne pouvez pas vous arrêter en route pour en acheter. Alors il faut utiliser les ressources efficacement. Sur terre c’est pareil. Aujourd’hui, nous utilisons les ressources de façon linéaire : on produit, on utilise et on jette. Il faut au contraire adopter un système circulaire. Mais attention, je ne parle pas de recyclage. Si vous transformez une bouteille de Coca en tee-shirt puis le tee-shirt en semelle de chaussures, c’est évidemment une bonne chose, mais vous finirez toujours par jeter la semelle à la décharge. Il faut concevoir une paire de chaussures de telle façon qu’on puisse ensuite réutiliser ses matériaux. Elle pourra alors redevenir une autre paire de chaussures, puis une autre, à l’infini. C’est possible. Mais je ne suis pas dupe, c’est une tâche herculéenne.

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à ce concept ?

En visitant la Géorgie du Sud, une île à la limite de l’Antarctique. Entre 1900 et 1950, c’était une grande station baleinière avec 7 500 habitants, un coiffeur, une poste car à l’époque, l’huile de baleine était largement exploitée. Aujourd’hui, il n’y a presque plus personne. C’est une constante chez l’homme. Il prend une ressource, l’épuise et part à la recherche de la suivante. Sur cette île, j’ai eu un sentiment de malaise. Alors j’ai voulu en savoir plus sur la gestion des ressources. Pendant quatre ans, j’ai rencontré des agriculteurs, des chefs d’entreprise, des professeurs, des géologues. J’ai appris, au gré des conversations, des choses fascinantes. J’ai fait ma première conférence sur le sujet il y a un an. Mais le seul message que je pouvais passer à la fin était : il faut consommer moins. Ce n’était pas un message positif. Et ce n’est pas la solution. C’est mettre des rustines sur la coque d’un navire en train de couler. C’est alors que je me suis penché sur l’économie circulaire.

Isabelle Autissier est présidente du WWF-France, Catherine Chabaud est ambassadrice pour la Fondation Nicolas Hulot. Le développement durable c’est une mode chez les navigatrices ?

Certaines personnes pensent que je fais ça à temps partiel, que c’est un gentil petit hobby. Mais c’est devenu ma vie ! Je travaille sur ce projet sept jours par semaine. J’ai arrêté la compétition parce que je ne pouvais pas faire les deux choses en même temps. Je suis quelqu’un qui fait les choses à 100%. Que la fondation porte mon nom n’a que peu d’importance. C’est vrai que m’appeler Ellen MacArthur m’a ouvert des portes, que j’ai pu rencontrer directement des pédégés. Mais ce qui compte avant tout, c’est d’inspirer les jeunes pour qu’ils changent le système. Utiliser mon nom est un moyen pour atteindre cette fin.

Plusieurs industriels financent la fondation et notamment Renault. Ce n’est pas un peu paradoxal d’avoir un constructeur de voitures parmi vos soutiens ?

Je voulais de gros industriels qui puissent changer les choses. Je voulais aussi que tous les secteurs soient représentés : télécommunications, énergie, design mais aussi transport. Il ne faut pas se leurrer, on ne vivra pas sans transports. J’avais déjà travaillé avec Renault à l’époque où je naviguais et qu’ils étaient un de mes sponsors. J’avais rencontré des gens prêts à changer les choses. Vous savez, Renault a investi des milliards dans la voiture électrique. Évidemment, l’électrique ce n’est pas la panacée. Il faut souvent, pour produire de l’électricité, utiliser des énergies fossiles. Mais c’est un pas en avant. Tous les industriels dont je me suis entourée ne sont pas parfaits, mais ils avancent. La route est encore longue, mais elle l’est pour nous tous. Et cette fois, il n’y a pas de ligne d’arrivée.

- Le site de la fondation