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Faut-il un(e) candidat(e) écolo en 2012 ?
vendredi, 20 août 2010 / Arnaud Gossement /

Avocat, spécialiste du droit de l’environnement.

Je reviens de Nantes où était organisée l’université d’été des Verts-Europe Ecologie. A l’intérieur de la faculté de droit : des débats sur le projet. A l’extérieur et dans la presse : des débats sur l’élection présidentielle. Et si le mouvement écolo ne présentait personne ?

A titre personnel, l’élection présidentielle, clé de voûte d’une « monarchie républicaine », est sans doute celle que j’apprécie le moins. Voulue par le Général de Gaulle, père de la Constitution de la Ve République et notamment de cet article 6, l’élection du Président de la République au suffrage universel direct a plusieurs conséquences qui me paraissent pour certaines regrettables. Il faut aussi relire les analyses de ceux qui, à l’époque, étaient opposés à ce scrutin, comme Pierre Mendès-France.

L’élection présidentielle a tout d’abord pour effet immédiat une personnification à outrance du débat sur la personne, pour ne pas dire l’intimité, des candidats puis de l’élu. Cette personnification déclenche amour ou haine, parfois excessifs, sur des personnalités davantage encore que sur des idées. Outre un appauvrissement spectaculaire du débat public, cette dérive médiatique du politique nous éloigne de ce que devrait être une démocratie moderne où les choix collectifs sont de la responsabilité, non d’un homme ou d’une femme, mais de tous les citoyens, de leurs élu(e)s et de leurs corps intermédiaires.

L’élection présidentielle a également pour conséquence une bipolarisation de la vie politique dont souffrent précisément… les écologistes ! Certes, l’alternance et le choix qu’elle donne aux électeurs doit – au moins en théorie – permettre une respiration démocratique utile. Toutefois, l’élection présidentielle n’est pas la seule garantie d’alternance. Bien au contraire. Outre le fait que l’alternance des partis n’est pas évidente sous la Ve République, force est de constater que l’alternance des responsables politiques pourrait être améliorée. Le renouvellement du personnel politique n’est pas suffisant dans un pays où la politique est trop souvent une carrière professionnelle de toute une vie.

Autre défaut de cette élection présentée comme cardinale : elle amène trop souvent l’opposition à ne se projeter que sur le prochain scrutin. L’élection à peine passée et il est déjà question de construire une alternance pour la prochaine… En matière d’écologie, l’urgence c’est maintenant, pas demain.

Enfin, l’élection présidentielle, par la légitimité qu’elle confère à une personne qui a préalablement dû s’assurer de la discipline d’un parti, lui confère des pouvoirs insensés en démocratie. Le contrôle du gouvernement allié à la discipline majoritaire du Parlement revient à donner à un seul homme des attributions déraisonnables, a fortiori lorsque celui-ci considère mieux le secrétaire général de l’Elysée que son Premier ministre, ses conseillers que ses ministres. En retour, cette force de la fonction présidentielle se mue en grande faiblesse – tout aussi dangereuse – lorsque les espoirs sont déçus, tout ceci étant source d’instabilité, de rejet du politique et de risque de populisme.

Faut-il supprimer l’élection présidentielle ? La question n’est que théorique tant les Français sont attachés à ce scrutin. Il est d’ailleurs étrange que ceux-là mêmes qui militaient pour une telle suppression s’activent aujourd’hui pour l’aventure. Faut-il la corriger en modifiant les attributions du Président : certainement. Faut-il qu’un(e) écologiste y participe ? Hier sans doute. En 2012 : plus nécessairement.

Je ne suis donc pas convaincu par l’absolue nécessité de participer, pour le mouvement écologiste, à la campagne présidentielle. J’entends que la présentation d’une candidature au premier tour permet d’avoir une place dans les médias puis de négocier un ralliement au second tour en l’échange d’avantages électoraux à d’autres scrutins. L’argument est faible. Outre que cette place médiatique devient contingentée pour ne pas dire réduite à la portion congrue, il n’est pas certain que le dépôt d’une candidature soit le meilleur outil pour peser sur la campagne ni sur ses alliés. L’épisode du Pacte écologique de Nicolas Hulot, dont le succès n’était pas uniquement fonction de la menace d’une candidature, témoigne de ce que d’autres modes d’action sont possibles et à inventer. S’agissant des alliances, le suspense d’un ralliement de second tour du candidat écologiste à celui du Parti socialiste est délicat à entretenir.

Par ailleurs, l’écologie devrait aussi être l’affaire de tous les candidats républicains à l’élection présidentielle, d’où l’utilité de leur soumettre à toutes et tous un « pacte écologique » qui permette ensuite de mesurer la qualité des engagements pris. Au contraire, en cas de mauvais score du candidat écologiste, il y a fort à parier que les autres candidats se sentiront bien moins contraints de verdir leur profession de foi. En cas de mauvais score, ce ne sont pas simplement des places de ministres qui seront en péril, c’est aussi la défense d’une cause.

Enfin, il n’est pas acquis que le contexte soit propice pour que le candidat écologiste dépasse les scores précédemment atteints. Il est en réalité trop tôt pour le savoir et il est sans doute urgent d’attendre un peu. Outre l’écolo-scepticisme post-Copenhague, le « risque » d’une nouvelle intervention de Nicolas Hulot, les fautes de carre éventuelles du candidat et le traumatisme du vote utile post-2002, il ne faut pas sous estimer la capacité des autres blocs à faire état ou parfois faire croire à une compétence en matière d’écologie. Il faudra résister aux attaques sur le mode « Vous n’avez pas le monopole de l’écologie »…

En conclusion, avant de débattre du choix de leur candidat, les écologistes pourraient débattre des conditions de leur participation à l’élection présidentielle et surtout, de leur projet pour faire de la politique autrement. Participer à cette élection peut se faire autrement qu’en candidatant ou du moins en attendant un peu.