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Le plastique, c’est pas fantastique
mercredi, 25 août 2010 / Arnaud Gonzague

Plastic Planet : la face cachée des matières synthétiques, Werner Boote et Gerhard Pretting, Actes Sud, 256  p., 18  euros.

Si l’on commençait à dresser la liste des machins, bidules et trucs en plastique qui nous entourent, on y passerait la semaine. Contentons-nous d’énumérer quelques-unes de ces sous-espèces aux noms rigolos qui font notre quotidien : nylon, acrylique, plexiglas, cellophane, formica, téflon, polystyrène, latex, linoléum, polyuréthane, silicone, Goretex, PVC, acétylène, skaï, néoprène, DDT, fibre de verre… C’est vertigineux ! Depuis que la bakélite, le tout premier des plastiques, a vu le jour entre les mains du Belge Léo Baekeland en 1907, l’Occident ne peut plus se passer de cette matière 100 % artificielle, dont le journaliste autrichien Werner Boote nous raconte la passionnante épopée. Cette matière est légère, résistante, sans odeur, peu chère à produire, agréable au toucher, facile à nettoyer, résistante à la chaleur, à la rouille, à l’humidité… En somme, un vrai miracle d’invention humaine.

Des « qualités-tares »

Aujourd’hui encore, la civilisation du plastoc en génère quelque 260 millions de tonnes sur une année, soit environ 30 kg par homo sapiens. Et ce chiffre gonfle de 5 % tous les douze mois. Mais les principales qualités du plastique sont aussi ses tares : sa résistance, notamment, l’empêche de se biodégrader tranquillement quand il est balancé dans la nature. Du coup, une accumulation ahurissante de déchets plastiques est en train d’asphyxier nos océans. La plus célèbre de ces « îles d’ordures », le Great Pacific Garbage Patch – 3 millions de tonnes et une taille équivalente à celle du Texas ! – tourbillonne dans le Pacifique Nord, où il perturbe la chaîne alimentaire, étouffe les oiseaux marins, stérilise les loutres, dézingue le système hormonal des poissons, etc. Et bien sûr, le boomerang (en plastique) revient vite dans la trombine des humains.

Prise de sang

Car là où Plastic Planet (qui est aussi un documentaire filmé, visible en France au printemps 2011) fout vraiment la trouille, c’est quand il dévoile les risques que le plastique fait courir à la santé humaine. Si nous faisions une petite prise de sang, nous verrions tous des concentrations préoccupantes de matières gentiment toxiques comme le bisphénol A (vous savez, ce qui composait les biberons récemment retirés de la vente). Si nous nous rendions compte que les enfants sont les plus vulnérables aux nocivités plastiques, mais aussi les plus cernés de plastoc, en général made in China ; si nous envisagions cet étrange paradoxe que tout ou presque dans les hôpitaux qui nous soignent est fait de ce dangereux plastique ; si enfin, nous listions tous les « plastic problems » possibles – cancers, perturbations hormonales, décimation de spermatozoïdes… –, alors nous réaliserions brutalement cette évidence : le XXIe siècle ne sera pas, ne sera plus, celui du plastique. —