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Effet rebond : pourquoi émet-on autant de CO2 que nos parents ?
jeudi, 12 août 2010 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Aujourd’hui, les voitures consomment moins et nos logements sont mieux isolés. Pourquoi alors les émissions de carbone d’un Français moyen stagnent-elles depuis 1990 ?

Neuf tonnes de CO2. C’est l’empreinte carbone annuelle de Robin, mon frère (et plus généralement d’un Français moyen), en 2007. Neuf tonnes de CO2, c’est l’équivalent de 65 000 kilomètres parcourus seul au volant d’une voiture citadine récente ou encore de huit trajets en avion entre Paris et New York. Pas fier, mon frère. Surtout lorsqu’il apprend, grâce au dernier rapport du Commissariat général au développement durable (CGDD) que la quantité de dioxyde de carbone émis en France stagne depuis 1990. « Impossible », s’insurge Robin. « Je rejetterais autant de CO2 que Papa il y a vingt ans, alors que ma voiture est beaucoup plus propre ? Alors que mon appartement est mieux isolé ? Alors qu’il y a de moins en moins d’usines en France ? ». Doucement, Frangin, doucement… Voici les réponses.

Voitures plus propres, conducteurs plus polluants :

Robin est furieux. Il a acheté une voiture qui n’émet que 140 grammes de CO2 par kilomètre, comme les trois quarts des véhicules neufs français. Mais je lui apprends que les Français et leurs titines émettent 10% de carbone de plus qu’en 1990. Pourquoi ? Il suffit de regarder le nombre de kilomètres affichés aux compteurs. « La baisse de la consommation moyenne de carburant par kilomètre amoindrit le prix de chaque kilomètre parcouru, de telle sorte qu’elle permet une augmentation de la mobilité pour un coût équivalent », révèle le rapport du CGDD. Contents d’utiliser moins de carburant au kilomètre, les Français en ont profité pour rouler davantage. Les économistes appellent ce phénomène « l’effet rebond ». Sans cette augmentation du nombre de kilomètres parcourus, les émissions auraient diminué de 13%, précise même le CGDD.

Chauffage plus propre, maisons plus polluantes :

Toujours aussi furax, Robin. Il a isolé sa bicoque et acheté une chaudière économe en énergie. Mais il découvre que les Français émettent à peine 5% de moins pour leur chauffage domestique en 2007 qu’en 1990. L’intensité énergétique (la consommation d’énergie moyenne par m2) a certes baissé de 18% mais, là encore, le mode de vie di XXIe siècle est plus polluant. Avec le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre de célibataires et le plus grand désir de confort, la surface moyenne occupée par personne a augmenté. Ajoutez à cela la croissance de la population et vous comprendrez pourquoi la quantité de CO2 émise par les chauffages des ménages n’a que si peu diminué.

Moins d’usines, autant de CO2 :

Bien sûr, les ménages ne sont pas les seuls à émettre du carbone. Au moins 70% des émissions sont imputables aux activités de production (entreprises et administrations publiques). Dans l’industrie, Robin a raison, la quantité de CO2 émis a baissé de 10 %. Mais dans le secteur des services, les émissions ont augmenté de 25 %, en particulier à cause du transport. Au total, les émissions liées aux activités de production ont, globalement, stagné.

Dette carbone :

Ce n’est pas parce qu’ils produisent moins de textile que les Français se promènent nus comme des vers. Ils importent simplement plus de jeans et de T-shirts. Idem pour les télévisions, les téléphones portables, les ordinateurs… Pour ne pas faire porter le chapeau aux pays où sont produits tous ces biens, le CGDD a changé son mode de calcul. Depuis 2005, il prend en compte les émissions des importations dans l’empreinte carbone d’un pays. On appelle cela la dette carbone, et elle fait mal au compteur. En intégrant la seule quantité de CO2 émise sur notre sol, l’empreinte carbone annuelle moyenne d’un français est de 6,7 tonnes de CO2, un chiffre stable depuis 1990. Mais elle passe à neuf tonnes, si l’on comptabilise le bilan des importations et des exportations françaises.

Malheureusement, ce dernier calcul n’existait pas avant 2005. Impossible donc de comparer. Une chose est sûre toutefois, ce rapport est une bien mauvaise nouvelle pour les ambitions françaises de réduction des émissions de CO2. Il est en effet la preuve que les progrès techniques, qui ont permis de rendre notre économie plus propre, ont été « annulés » par l’augmentation de la production et de la consommation dans le pays. En bref, retour à la case départ.