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Qui est le plus écolo ? Le match voiture vs scooter
vendredi, 13 août 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Vous en avez assez de vous mettre au volant pendant des heures pour aller au boulot ? Le joli deux-roues du voisin vous fait de l’œil ? Compréhensible. Mais est-ce une bonne idée pour l’environnement ? Tout est une question de gaz…

Ce matin, vous sortez de chez vous, à Linas dans l’Essonne, pour rejoindre votre bureau en plein Paris. Votre voisin Benoît en fait de même. C’est sûr, il a belle allure au guidon de son scooter. Mais est-il moins nocif pour la planète que vous, bêtement agrippé au volant de votre Clio ? C’est une colle, non ?

Pas de panique. L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a fait le calcul pour vous. Entre 2006 et 2007, l’agence étatique s’est amusé a lancer quinze motos et scooters de tous poils (de 125 cm3 à plus de 1 000 cm3) et 3 voitures sur des bancs d’essai reproduisant le trajet entre Linas – quelle coïncidence ! – et le musée d’Orsay, dans le centre de la capitale. Soit 31 kilomètres en deux-roues et 34 en voiture. L’automobiliste a avalé 3 kilomètres supplémentaires pour trouver une place de parking.

Le scoot ne fait pas dans la dentelle

A priori, sur sa bécane, Benoît est mal parti. Si l’on croit les chiffres de l’Ademe, un scooter de 125 m3 qui obéit à la norme Euro 3 (une norme européenne qui fixe les limites maximales de rejets polluants, en vigueur depuis 2007) émet 10 à 20 fois plus de monoxyde de carbone et d’hydrocarbure (HC) imbrûlés qu’une citadine essence de norme Euro 4, plus exigeante (1). Et six fois plus d’oxyde d’azote (Nox). Des polluants locaux qui peuvent entraîner maux de tête, vertiges ou problèmes respiratoires lorsqu’ils sont très concentrés. Bref, le scoot de Benoît ne fait pas dans la dentelle.

Il faut dire que les autorités scrutent depuis moins longtemps la fumée de son pot d’échappement. « L’Europe a fixé des normes automobiles depuis 1990 mais a attendu dix ans pour imposer une réglementation sur les deux-roues », rappelle Bertrand-Olivier Ducreux, ingénieur au service transports et mobilité de l’Ademe. Résultat : sur le trajet entre Linas et Paris, un scooter de 125 cm3 émet, en moyenne, 195 grammes de monoxyde de carbone, 12 g d’hydrocarbure et 5 de Nox contre, respectivement, 6,5 grammes, 1,2 g et 0,5 g pour une citadine essence.

La voiture handicapée par son poids

Alors, au garage l’engin de Benoît ? Pas si vite. Il reste à examiner un élément essentiel : la consommation d’essence. Car le scooter est léger : 189 kilos à sec pour le Piaggio par exemple contre 1,1 tonne pour votre Clio. Du coup, il consomme moins. Ajoutez à cela les 3 kilomètres parcourus en moyenne pour trouver une place en quatre-roues et vous voilà de nouveau hésitant. Car « si la quantité de CO dépend du fait qu’un moteur est plus ou moins bien dépollué, celle de CO2 est directement proportionnelle à la consommation », souligne Bertrand-Olivier Ducreux.

Entre Linas et le musée d’Orsay, Benoît consomme 1,12 litres d’essence en moyenne en scooter contre 2,1 l pour vous, à bord d’une petite auto. De quoi faire pencher la balance vers le Piaggio. Au total, les émissions de gaz à effet de serre (CO2, CO et HC confondus) sur le trajet indiqué s’élèvent donc à 4,9 kilos d’équivalent CO2 en auto contre 2,3 kg à deux-roues ! Soit un rapport de un à deux. Résultat : « Même si le CO est un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le CO2 et même si un deux-roues émet en moyenne plus de CO qu’une voiture, le bilan d’émissions de gaz à effet de serre reste favorable pour le scooter », conclut l’expert de l’Ademe.

Doit-on prier alors pour que tout le monde enfourche demain un deux-roues ? Pourquoi pas. A condition que celui-ci s’aligne sur des normes plus strictes. « La difficulté, c’est de trouver un bon compromis entre les progrès environnementaux et le coût technique (lié à l’installation de système à injection, de filtres à particules…, ndlr) pour conserver des véhicules rentables à la construction. Les voitures l’ont fait. Tant qu’il n’y aura pas de réglementation, les constructeurs de deux-roues n’iront pas plus loin », pronostique Bertrand-Olivier Ducreux. La balle est dans le camp européen.

(1) La norme Euro 5 deviendra obligatoire pour tous les véhicules à partir du 1er janvier 2011. Plus stricte pour les diesels, elle changera peu la donne pour les véhicules essence.

- L’étude de l’Ademe