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La monnaie retrouve un supplément d’âme
jeudi, 9 décembre 2004 / Arnaud Gonzague , / Toad

Le mouvement des monnaies complémentaires, pratiquement inconnu en France, est déjà en marche au Japon et en Allemagne. Il pourrait bien annoncer une révolution économique et sociale sans précédent.

La monnaie libre concoctée dans les chaudrons du duo Noubel-Linton n’est qu’une des multiples pointes émergées d’un gigantesque iceberg : celui des monnaies complémentaires, dites aussi "monnaies sociales". Un peu partout dans le monde, à côté - et non à la place - des échanges monétaires traditionnels, on voit fleurir des systèmes communautaires se dotant d’espèces sonnantes et trébuchantes moins "injustes" que nos euros, yens ou dollars.

Grain de sel dans la machine économique

En France, on connaît les systèmes d’échanges locaux (Sel), qui permettent à des gens, dans une zone géographique limitée, de se rendre service - tu me donnes un cours de cuisine, je t’aide à réparer ta voiture - et d’échanger des talents ou des biens estimés en "piafs", "grains" ou "vagues", selon la région. La valeur de ces monnaies repose soit sur une estimation communautaire (c’est le cas du Sel de Paris), soit sur le temps passé à travailler [1]. Leur objectif : recréer du lien social, revaloriser les talents et la solidarité et surtout, permettre à des citoyens peu fortunés de vivre décemment dans une civilisation qui n’aime que les portefeuilles débordants. C’est d’ailleurs un point commun à toutes les monnaies complémentaires du monde.

Le Japon et l’Allemagne aux avant-postes

En Allemagne, à une échelle bien supérieure à celle des Sel, le Roland ou le Chiemgauer sont deux monnaies "périssables" - on dit aussi "fondantes") - qui perdent 1 ou 2% de leur valeur tous les mois [2]. Le but est d’empêcher l’argent de s’accumuler et de l’obliger à se réinvestir pour profiter non pas à une minorité, mais à la communauté [3]. Ce qui compte souvent n’est pas la valeur de la monnaie complémentaire, mais le temps passé à rendre un service, quel qu’il soit. En Italie, ce sont les "banques du temps", en Amérique du Nord le "Time Dollar", en France, le "Sol" [4]...

Sans odeur, mais quelle saveur !

Au Brésil, le ministère de l’Education travaille sur un projet de monnaies "Saber". Doté d’un milliard de dollars, il a pour but de financer la formation des jeunes étudiants dans tout le pays. Au Japon les "Fureai Kippu" apportent un début de réponse à la crise du vieillissement démographique. Leur principe ? Un jeune fait des courses, prépare la cuisine et fait prendre son bain à une personne âgée à la motricité réduite. Pour ce service, ce jeune perçoit des "tickets de soin" ou "Fureai Kippu", qu’il dépose sur un compte. S’il tombe malade, il peut utiliser ces tickets pour payer une aide à domicile. Il peut aussi faire un transfert électronique sur le compte de sa mère, à l’autre bout du pays, afin que celle-ci puisse s’offrir une aide à domicile. L’intérêt : les personnes âgées peuvent demeurer chez elles, plutôt que vivre dans des maisons de retraite déprimantes et qui plombent les finances publiques. Bref, Saber, Sol ou Fureai Kippu, cet argent-là n’a peut-être pas d’odeur, mais qu’est-ce qu’il a comme imagination !

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