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Par ici, la monnaie !
jeudi, 9 décembre 2004
/ Arnaud Gonzague
,
/ Toad
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Et si, d’un clic de souris, on pouvait créer sa monnaie et faire tourner son propre système monétaire ? C’est le pari d’un des créateurs d’AOL et de l’inventeur des SEL anglais. Baptisé Open Money, ce projet un peu fou fait partie de la galaxie des monnaies complémentaires. Ce mouvement très sérieux, pratiquement inconnu en France, mais déjà en marche au Japon et en Allemagne, pourrait bien annoncer la prochaine révolution économique. Explications.
Imaginons que vous collectionniez des tasses en forme de chouette (personne n’est parfait). Grâce au Net, vous êtes entré en contact avec des individus qui partagent cette singulière addiction. Vous souhaiteriez échanger des objets avec eux, mais ne possédez pas un sou vaillant pour acheter le commencement d’une tasse. Pas de doute : les monnaies libres sont faites pour vous ! En effet, il suffira bientôt de vous rendre sur un site, OpenMoney.org pour inventer gratuitement l’argent de votre communauté - mettons le tassochouette. Chacun démarre à crédit zéro. Vous achetez la tasse de vos rêves. Votre solde descend à -30 (ou -300 ou -3 millions) tassochouettes. Et celui de votre coreligionnaire est crédité de + 30 tassochouettes (ou + 300, ou...). Lui pourra bientôt acheter chez les autres membres de la communauté.
Exemple : une famille voudrait acheter de la nourriture. Cette nourriture est à portée de main, mais l’argent est trop rare, donc trop cher pour eux. A l’inverse, des milliards virtuels sont échangés chaque seconde entre les différentes places de marché mondiales. Bref, d’un côté, les besoins mais pas l’argent, de l’autre, l’argent déconnecté des besoins, livré à une spéculation stérile. D’ailleurs, soulignent les partisans de l’Open Money, les peuples en détresse inventent spontanément leur monnaie libre : voir la floraison de monnaies alternatives apparues en Argentine au plus fort de la crise économique.
Bien sûr, comme nous sommes d’imparfaites créatures, le système nécessite quelques garde-fous pour continuer à fonctionner "aussi bien entre 10 qu’entre 400000 personnes", convient son initiateur. Afin d’éviter les krachs façon Argentine (plus d’argent dans les caisses) ou les noyades ultra-inflationnistes, Jean-François Noubel songe à ce que les membres de chaque communauté se notent mutuellement, comme sur le site d’enchères en ligne eBay, pour repérer les bonnes et mauvaises réputations. Ils doivent également décider collectivement de la limite du solde négatif de chacun (pas le droit de dépasser -10000 tassochouettes, par exemple).
Bref, le concept de monnaie libre est d’une subversion insoupçonnée. D’ailleurs, la faculté de battre la monnaie constitue un pouvoir régalien, avec lequel les Etats ne badinent pas. Jean-François Noubel en est bien conscient et semble regretter le retard idéologique des autorités compétentes : "Les sociétés de demain fonctionneront avec des systèmes monétaires différents : des grands, des petits, des transversaux comme l’euro, des spécialisés [comme le tassochouette], certains pour la santé, d’autres pour l’éducation, d’autres pour la spéculation, etc.." Et à en croire ses comparaisons historiques, il est convaincu de remporter la partie. "Ce sera comme l’invention de l’imprimerie par Gütenberg ou le piratage musical en ligne. Les partisans de l’ordre en place essaieront de s’y opposer, mais une fois que la technologie est lancée, rien ne peut l’arrêter." Pari tenu !
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