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Double sens à vélo : est-ce dangereux ?
jeudi, 22 juillet 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Depuis le 1er juillet, toutes les villes de France sont tenues d’autoriser le double sens cyclable dans leurs rues à sens unique limitée à 30 km/h. Un moyen radical pour rayer de la carte tous les cyclistes ? Non. Bien au contraire.

Coincé(e) entre une voiture garée et un camion-poubelle, vous tentez, à vélo, de vous faufiler en sens inverse. Un passant vous hurle : « Eh, c’est sens interdit ! ». Et bien non justement. Depuis le 1er juillet 2010, toutes les rues à sens unique de France et de Navarre doivent autoriser les cyclistes à pédaler dans le sens de leur choix. En tout cas, celles où la vitesse est limitée à 30 km/h (dans les autres, c’est optionnel). Mais les double sens cyclables - c’est leur nom officiel -, piétons et automobilistes s’en méfient comme de la peste. Sur 8 090 lecteurs interrogés le 15 juillet par Le Figaro : 80,73 % les jugent dangereux. Passage en revue des idées reçues.

- Les voitures, je vais me les prendre en pleine face  Détrompez-vous, le nez à nez permet aux automobilistes de mieux voir leurs cousins cyclistes. Mieux, il les incite à lever le pied. « La première cause d’accident ? C’est lorsqu’une voiture longe un vélo et le dépasse. Le conducteur évalue mal la distance et le cycliste se retrouve sur le capot. Ça n’arrive jamais quand ils sont face à face », souligne Geneviève Laferrère, vice-présidente de la Fédération française des usagers de la bicyclette (Fubicy). En effet, le cycliste croise la voiture du côté conducteur. Celui-ci évalue ainsi mieux la distance de dépassement.

- Je risque de mourir aux carrefours : C’est le grand hic de cet aménagement. Car lorsqu’elle tourne dans une rue à sens unique, une voiture a tendance à prendre toute la largeur de la chaussée, quitte à couper la route aux bicyclettes. « Mais si les double sens cyclables sont généralisés, les automobilistes ne seront plus surpris dans les intersections », précise le site de Fubicy. « En zone 30, à une intersection, les véhicules ne vont pas vite, le risque est limité », ajoute encore Mme Laferrère. Et si la rue est assez large : « on peut marquer l’entrée par un îlot de sécurité que l’automobiliste devra contourner avant de s’engager », imagine-t-elle.

- Les gens qui sortent de leur parking ne me verront pas : Inquiétude notamment partagée par Patrick Trémège, conseiller municipal dans le XIIIe arrondissement de Paris. « Le gars qui sort tous les jours de son parking ne va pas faire attention. Il faut un marquage au sol sur toute la longueur de la rue [optionnel aujourd’hui] ». Réponse de Mme Laferrère : « quelqu’un qui habite là sait que sa rue a été transformée. De toute façon un automobiliste qui sort de son parking n’a pas la priorité et il commence par regarder à droite et à gauche pour éviter les piétons ».

- Ça ne va pas m’empêcher de me prendre une portière : Certes. Un bonus néanmoins : le risque de manger de la tôle est plus réduit à contresens puisque le vélo ne disparaît plus dans l’angle mort d’un véhicule. Reste qu’un énergumène distrait ne regardera pas dans son rétro avant de saisir la poignée. Et là, mieux vaut être en sens inverse, selon la Fubicy : « même si une portière s’ouvrait au mauvais moment, le cycliste heurterait le plat de la portière qui se refermerait sans causer de blessures sérieuses. »

- Plus on sera de cyclistes dans tous les sens, plus y aura d’accidents : Raté. Les statistiques montrent l’inverse. Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, la pratique de la bicyclette a « notablement augmenté » entre 1998 et 2008. Et pourtant, le nombre de tués à vélo a stagné. S’ils représentaient 3,57% des décès tous modes de déplacement confondus en 1998, ils étaient 3,58% en 2008. Car plus il y a de cyclistes ou de piétons, plus l’automobiliste est attentif et roule lentement. « Il faut que la voiture ne se sente plus comme le véhicule absolu, opine Patrick Trémège. Aujourd’hui c’est parce que les vélos sont encore isolés que le conducteur est parfois surpris. »


Les chiffres

Vous avez toujours peur ? Rien ne vaut quelques chiffres pour enfourcher à nouveau votre bicyclette. En 2000, l’Institut fédéral sur la recherche routière allemande a examiné les installations à contre-sens dans ses villes. Résultat : les rues à sens unique autorisant la circulation cycliste en double sens ont eu le même nombre d’accidents que les autres. Ni plus, ni moins. Et en France ? Une étude menée en 2008 par le Centre d’études sur les réseaux de transport et l’urbanisme (Certu) dans plusieurs villes est arrivée aux mêmes conclusions. Grenoble a par exemple comptabilisé 6 accidents dans des voies cyclables à double sens sur 257 accidents répertoriés en cinq ans. A Lyon, 6 accidents aussi sur 158 cas. C’est minime ! A chaque fois, les accrochages ont eu lieu à des intersections.

- Le décret de 2008->http://www.mdb-idf.org/spip/spip.ph...
- Le sondage du Figaro
- Les double sens cyclables sur le blog d’Annick Lepetit
- Les doubles sens cyclables. Une fiche de Fubicy
- Etude de la Certu à Illkirch-Graffenstaden
- L’étude de la Fubicy dans 5 villes françaises
- L’étude allemande (résumé en anglais)
- L’accidentologie