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Berlin fauchée, Berlin heureuse (suite)
jeudi, 2 décembre 2004
/ Hélène KOHL
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/ Toad
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Alors, de quoi vit Berlin ? "Ca, je me le demande à chaque fois que je me promène dans la rue... Ici, 60% de la population vit de transferts sociaux et donc ne travaille pas. Bien souvent, pour les retraités par exemple, c’est une situation justifiée, normale. Reste que le chiffre est frappant : moins de la moitié de la population participe à la croissance. Du coup, elle stagne et Berlin n’est pas assez attractive." Le cercle vicieux, diraient les économistes. Mais Klaus Brake préfère positiver : "Le potentiel ne manque pourtant pas. L’université technique est renommée. Il y a une vraie richesse en terme de savoir-faire. Si Berlin avait l’attractivité d’une grande ville normale - sans vouloir devenir Munich par exemple - alors les problèmes de pauvreté pourraient être résolus les uns après les autres". Problèmes, dit le professeur. Au pluriel. Car Berlin n’est pas seulement une ville pauvre. C’est aussi une ville de pauvres.
"La pauvreté, ce n’est pas seulement une histoire de revenu", souligne Helga Burkert, en charge du dossier pauvreté et exclusion sociale au gouvernement du Land. Mais les indicateurs dits "sociaux" ne sont guère meilleurs pour Berlin. Une personne décédée sur quatre n’a pas atteint l’âge de 65 ans, et la moitié de ces morts précoces auraient pu être évitées grâce à une intervention médicale, à la prévention ou à un traitement. Le nombre de décès consécutifs à des cancers du poumon ou des bronches est supérieur à la moyenne nationale. L’alcoolisme également. 12% des enfants en classe de CP présentent des problèmes de poids liés à une mauvaise alimentation. Enfin, dans certains quartiers, un habitant sur quatre n’a aucune formation professionnelle.
Bernd s’occupe de la gestion des équipes "vide-grenier" du Motz. Une tournée par semaine pour récupérer ce dont les Berlinois se débarrassent et un magasin flambant neuf sur la prestigieuse Friedrichstrasse, à deux pas du touristique Checkpoint Charlie. "Ce magasin est fait pour les pauvres que l’on ne voit pas : ceux qui travaillent mais gagnent peu, ceux qui ont un toit mais mal chauffé, ceux qui mangent à leur faim mais se soignent mal", détaille Bernd. On pense forcément un peu à lui. Ou à Sabine, 27 ans, diplômée de sciences politiques, qui rassemble 750 euros par mois avec un boulot à mi-temps en attendant de trouver mieux : "Je viens de changer d’appartement, ici je vais trouver à m’équiper pour pas grand-chose". Ou à Werner, 49 ans, à temps partiel également : "Je cherche des sacoches de vélo, mon seul moyen de transport. Le métro, c’est trop cher." Il sourit découvrant un large trou dans sa mâchoire supérieure. Trop cher aussi, le dentiste.
Berlin a des airs de ville américaine : centre décisionnel entouré de quartiers modestes et banlieue dorée. Et si justement c’était cela, sa chance ? A l’aune de son rapport sur l’avenir de la ville, le professeur Klaus Brake est enthousiaste : "C’est une bénédiction que Berlin soit si bon marché. Comme ça elle conserve ses pauvres étudiants, ses artistes à l’imagination débordante qui vivotent ici ou là, ses originaux, ses marginaux, ses débrouillards... C’est une ville de gens qui n’ont pas beaucoup dans la poche mais beaucoup dans la tête. Des gens qui, dans quelques années, auront de bonnes idées, fonderont des entreprises. En terme de potentiel, Berlin est loin, très loin d’être pauvre !"
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