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Le mythe de la voiture propre
jeudi, 2 décembre 2004 / ponofob (illustration) , / Baya Bellanger

La pollution automobile est une préoccupation sociétale. Pourtant, rouler propre n’est pas davantage un critère d’achat pour les consommateurs, qu’un argument de vente pour les constructeurs automobiles.

D’ordinaire, puissance, confort et design sont mis en avant. Cette année, c’est parce qu’elle est moins polluante que la Toyota Prius a été élue "voiture de l’année" par un jury de journalistes. Cette grande première apparaît en complet décalage avec la tendance du marché. Les voitures à technologie alternative représentent une goutte d’eau dans l’immensité du parc automobile français (35 millions d’unités), ainsi que dans les chiffres annuels de ventes. En 2003, une voiture neuve sur 10000 tournait à l’électricité. 2 sur 10000 au GPL, malgré un crédit d’impôt et un carburant peu coûteux. Toyota projette de vendre 2500 Prius en 2005, contre 500 en 2004. En 2003, 199000 Renault Mégane, 163000 Renault Clio et 160000 Peugeot 206 "conventionnelles" ont été immatriculées en France.

En cause au premier chef, nous autres consommateurs, qui nous disons victimes de la pollution... mais pas responsables : 70% des automobilistes estiment polluer peu [1]. "L’argument écologique n’est pas un critère d’achat. On choisit sa voiture sur la couleur de la carrosserie, le design, confirme Patrick Coroller, chef du département technologie des transports de l’Ademe. On est dans l’affectif, c’est le critère plaisir qui prime."

Progrès indéniables... et insuffisants

Quant aux constructeurs, ils estiment en avoir fait assez pour l’environnement. "Toutes les voitures neuves vendues en France sont propres, assène très sérieusement André Douaud du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA). Si par un coup de baguette magique tous les véhicules devenaient neuf, on gagnerait 70 à 80% de qualité de l’air." De fait, la Commission européenne encadre l’émission de gaz polluants et de gaz à effet de serre. Côté pollution, les normes européennes ont conduit les constructeurs à mettre en place filtres à particule, pots catalytiques et moteurs à injection. Et la quantité de polluants imputables au transport français (tous véhicules confondus) a été divisée par deux ou trois entre 1990 et 2003. Mais pour le CO2 - impliqué dans le changement climatique - la diminution des émissions par véhicule, a été plus que compensée par le doublement du parc ces vingt dernières années.

La traversée du diesel

Les constructeurs pensaient avoir trouvé une martingale : le moteur diesel. "C’est un bon choix pour réduire les émissions de CO2", assure André Douaud du CCFA. Mais, s’il émet 20% moins de CO2 que l’essence, il rejette des particules très nocives. "Ce sera une solution quand les filtres à particules seront généralisés et qu’il émettra moins d’oxyde d’azote", estime Patrick Coroller de l’Ademe. Plus préoccupant, pour des raisons de coûts, les constructeurs ont négligé la recherche sur les technologies alternatives, tout occupés qu’ils étaient à courir après les normes européennes. Conséquence, le GPL, longtemps annoncé comme la solution, a perdu de sa superbe.

Quant aux autres technologies... aucune n’est massivement disponible à ce jour. Outre la question de la source de son énergie (centrales nucléaires ou au charbon), la voiture électrique est inadaptée. "Avec sa faible autonomie (200 km après 6 heures de recharge, ndlr) elle est une niche. Une voiture avec laquelle on ne peut pas partir en vacances n’intéresse pas les constructeurs", observe Georges Taillandier chez SVE, la société qui commercialise le modèle électrique Cleanova. En 2003, il s’est vendu 113 voitures électriques particulières, toutes marques confondues.

Repenser la vie ?

Nouvelle star des véhicules alternatifs, la voiture à pile à combustible ne rejette dans l’air que de la vapeur d’eau. Problème : sa fabrication nécessite l’emploi de matériaux coûteux comme le platine. Le stockage de l’hydrogène, son énergie, n’est pas au point. Des années de recherche sont nécessaires avant sa commercialisation. "Parier sur l’hydrogène plutôt que sur l’électrique, c’est une façon de repousser la commercialisation des voitures propres", analyse-t-on chez SVE. Au final, l’indifférence des consommateurs et des constructeurs font de la voiture propre un mythe. Reste à explorer d’autres pistes - en Belgique, les automobilistes bénéficieront bientôt de réductions d’impôts, pour l’achat d’une voiture émettant moins de 105 grammes de CO2 par kilomètre - ou à repenser des villes et des vies, bâties autour de l’automobile.

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