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OGM : « La Commission est sous l’influence du lobby de l’agro-industrie »
lundi, 12 juillet 2010 / Julien Kostrèche

La Commission européenne va tenter ce mardi 13 juillet de débloquer les autorisations de cultures OGM. Jean-Luc Bennhamias, député européen MoDem, y voit l’empreinte des lobbies. Mais refuse l’opposition systématique aux OGM.

Terra eco : d’un côté, la Commission européenne cherche à débloquer les autorisations de mise en culture des OGM que réclament les multinationales ; de l’autre elle cesserait les poursuites envers les États qui s’y opposent et leur donnerait le droit d’interdire chez eux ces mêmes organismes. Que faut-il y comprendre ?

Jean-Luc Bennhamias : « La Commission Barroso est favorable aux OGM, que ce soit le maïs, le soja, la patate ou tout ce que vous voulez. Elle se sent un peu soutenue par certains pays qui, comme l’Espagne, ont amené les cultures d’OGM à un niveau élevé. Mais elle doit dans le même temps faire face à un blocage du Parlement européen et de certains États membres. Et dans ce domaine, la France n’est pas la dernière opposante, loin s’en faut. Donc la Commission, pour trouver une issue, nous sort une cote mal taillée, qui montre à quel point elle est influencée par le lobbying de l’agro-industrie et des pays producteurs d’OGM Nord ou Sud-Américains. »

Faut-il s’en inquiéter ?

« Ce qui m’inquiète le plus, c’est que cela traduit, une fois de plus, la faiblesse des institutions européennes. Que ce soit face à la crise économique, sociale ou écologique, globalement, l’Europe est en recul. Pour les OGM à proprement parler, on peut s’inquiéter du fait qu’ils ne connaissent pas les frontières. Vous pouvez avoir une interdiction de culture ici et une autorisation là, les espèces elles sont volatiles et les risques de dissémination des cultures transgéniques en plein champs, réels. Nos frontières seraient hermétiques et les importations interdites, je dirais bravo ! Mais il n’en est rien. Et puis vous savez bien qu’un certain nombre de nos agriculteurs vont prendre prétexte de cette nouvelle règle européenne pour dire “si c’est autorisé chez le voisin et pas chez nous, comment voulez-vous que nous soyons concurrentiels  ?” Et comme leur laissait entendre Nicolas Sarkozy au dernier salon de l’agriculture, la protection de l’environnement “ça commence à bien faire”... »

Le maïs MON 810 de l’américain Monsanto, seul produit autorisé à ce jour à la culture en Europe, est toujours interdit en France. Que pensez-vous de cette position ? Faut-il étendre ce moratoire à tous les OGM ?

« Les moratoires sur tout, dans une société, ça ne va pas. C’était l’une de mes fortes divergences avec mes camarades des Verts lorsque j’étais leur secrétaire national. Pour ma part, j’accepte la recherche sur les organismes génétiquement modifiés en milieu confiné, ne serait-ce que d’un point de vue médical, car les OGM n’ont pas qu’une visée agricole, ils peuvent aussi soigner. Si on prononçait une interdiction de mise en culture des OGM, alors à quoi bon continuer la recherche ? Un moratoire, par définition provisoire, permet au moins de poursuivre les expérimentations. Iil laisse une porte ouverte. Cela dit, penser que les OGM vont nourrir l’humanité et protéger la planète en remplaçant les pesticides, c’est une chimère. La nature ainsi modifiée produira d’autres schémas, et il faudra fabriquer d’autres OGM plus performants, etc. C’est un puits sans fond. N’oublions pas que la vraie raison d’être des OGM reste, pour Monsanto et compagnie, la création d’un monopole sur les semences. »

Corinne Lepage parlait d’un scandale au sujet de l’autorisation de la pomme de terre OGM par la Commission européenne en mars dernier. C’est votre avis ?

« Je ne suis pas expert scientifique et ne peux donc répondre de manière définitive sur le plan de la santé. Mais la Commission a commis une erreur en autorisant sans réserve - et sans étude avérée sur son innocuité - la culture de la pomme de terre Amflora. J’essaie de regarder les OGM qui arrivent aux portes de l’Europe au cas par cas. Cette patate, je ne vois en quoi elle nous est utile une seule seconde. Ça va, la pomme de terre pousse très bien chez nous, merci. C’était une faveur destinée à un groupe, en l’occurrence BASF. Et sûrement un ballon d’essai pour M. Barroso avant d’autoriser d’autres OGM. »

Le ministre de l’agriculteur, Bruno Lemaire, a donné son feu vert pour la reprise des essais sur la vigne OGM, dont les pieds avaient été arrachés par un militant écologiste en septembre dernier. Vous approuvez ?

« Pardon mais ces pieds de vigne arrachés en Alsace, c’est une histoire à la con. Un protocole de suivi avait été élaboré avec France Nature Environnement. L’approche était constructive et concertée. Alors ne soyons pas plus royalistes que le roi. Faut-il reprendre les essais ? Dans ce cas précis, je dis pourquoi pas. Vous savez, je fais souvent un parallèle avec le nucléaire pour expliquer ma position sur les OGM. Je suis contre la fission, qui produit des déchets radioactifs en quantité et donc des dégâts potentiels, mais ça ne m’empêche pas d’être pour la fusion telle que le réacteur européen ITER veut l’expérimenter. Je ne m’oppose pas au nucléaire en soi. »