https://www.terraeco.net/spip.php?article11354
Pourquoi y a-t-il de l’huile de palme jusque dans mes produits bio ?
lundi, 5 juillet 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Bien que très controversée, l’huile de palme a envahi les rayons de nos supermarchés, s’immisçant jusque dans nos biscuits bio. Un de nos lecteurs s’interroge : les fabricants pourraient-ils la troquer pour une autre huile, plus locale et écologique. Réponse de « Terra eco ».

La question de notre lecteur

« Vous serait-il possible de demander à vos annonceurs BIO concernés pour quelles raisons l’huile et la graisse de palme ont en quelques années envahi leurs produits BIO, tout comme les non BIO ? Ma question n’étant pas de savoir si leur huile de palme est BIO et/ou équitable. Mais bien : 1- pourquoi une huile importée d’aussi loin plutôt qu’une huile locale pour des productions locales ? 2- pourquoi cette huile plutôt qu’une huile meilleure pour la santé ? Cela conduisant bien sûr à se demander si BIO et agro-industrie sont réellement compatibles... Merci. »

JC. Picard

La réponse de « Terra eco »

Cher lecteur, vous avez raison :l’huile de palme dégouline littéralement de nos rayons. En 2007, les Amis de la Terre avaient aventuré leur Caddie dans trois grands supermarchés français et repéré la substance dans la composition de biscuits, glaces, soupes, pâtes à tartiner, chips mais aussi dans des tubes de cosmétiques ou des bidons de détergents. Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), l’huile de palme est présente dans 50% des produits transformés, emballés et vendus en France. Et dans le bio me direz-vous ? Eh bien, c’est kif-kif. « Nous en avons dans les biscuits et la pâte à tartiner, concède par exemple Tristan Lecomte, le patron d’Alter Eco. Mais il n’y en a pas plus dans le bio que dans les produits classiques. », se défend-il. L’huile de palme est aujourd’hui la plus consommée dans le monde (25%), devant l’huile de soja (24%), de colza (12%) et de tournesol (7%).

Mais pourquoi donc un tel engouement ? Parce que le palmier est la véritable machine à suinter de l’oléagineux et affiche un rendement exceptionnel. « L’huile de palme a un rendement six fois plus élevé que le colza et dix fois plus que le soja. Ça permet quelques économies d’échelle », souligne Hubert Omont du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Ainsi en mai, une tonne d’huile de palme s’est échangée en moyenne pour 775,91 dollars sur le marché contre 1102,52 pour l’huile de tournesol. Ajoutez à cela, des caractéristiques particulièrement intéressantes et vous comprendrez pourquoi l’huile de palme a gagné le cœur des industriels. « Cette huile est solide à température ambiante. Ça permet aux industriels d’éviter l’hydrogénation qui crée ce qu’on appelle des “acides gras trans”. Cancérigènes, ils sont interdits par exemple aux Etats-Unis. Elle résiste aussi mieux à la chaleur que les autres huiles », explique Hubert Omont. Alors « dans un système comme le nôtre où il y a de plus en plus de plats préparés ou surgelés, on a créé une dépendance forte à l’huile de palme », souligne Sylvain Angerand, responsable forêts pour les Amis de la Terre.

Même constat du côté de la filière bio. « L’huile de palme est entrée dans nos recettes à un moment où l’on n’était pas encore sensibilisé au problème. Or, nos produits doivent être toujours de même qualité, avoir la même texture. Changer les processus industriels prendra un peu de temps », précise Tristan Lecomte. Reste que « nous utilisons de l’huile de palme de Colombie qui n’est pas cultivée sur une terre forestière et qui provient d’une exploitation en cours de certification RSPO », souligne encore Tristan Lecomte. RSPO ? Un label écologique et social issu d’une table ronde entre industriels et ONG. Mais qui reste « encore insuffisant », concède le patron d’Alter Eco. D’autres ont préféré la jouer radical. Unilever, Findus, Cadbury ont déjà banni la satanée huile de leur chaîne de production. Tandis que le 25 mars, le groupe Casino s’engageait à supprimer de ses rayons 200 produits fabriqués avec de l’huile de palme d’ici à la fin 2010 et « la totalité des produits à terme ». On applaudit des deux mains. A condition que producteurs et distributeurs n’abusent pas de l’hydrogénation, qui consiste à transformer chimiquement d’autres huiles pour les rendre plus performantes, ou n’aillent pas soupirer d’aise dans des fontaines d’huile de soja, qui pose des problèmes assez similaires du point de vue environnemental.

Restent les bonnes huiles locales. « L’huile de tournesol peut être la solution, souligne Tristan Lecomte. Mais, si les tournesols ont poussé dans un champ chinois ce n’est pas beaucoup mieux. Avec le flux des produits mondiaux, on ne sait pas toujours. Il faudra s’assurer de sa provenance. » Mais la production européenne pourra-t-elle subvenir aux besoins alimentaires en huile de sa population ? A l’heure où l’industrie automobile réclame à toujours plus d’agro-carburants, rien n’est moins sûr. « Peut-être faudrait-il penser à changer nos habitudes alimentaires et manger moins de produits transformés », propose Sylvain Angerand, des Amis de la Terre. Quant à la question des problèmes de santé posé par l’huile de palme, cher lecteur, il te faudra attendre un prochain épisode.

- Les chiffres du Cirad
- Huile de palme : les idées reçues ont la peau dure->http://www.cirad.fr/actualites/tout...]
- Huiles de palme durable par le [WWF http://www.wwf.fr/s-informer/actual...]