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L’appel des vuvuzelas plus fort que la savane
lundi, 5 juillet 2010 / Guillaume Pitron

L’affluence record des touristes ne profite pas vraiment aux réserves naturelles sud-africaines qui tentent de préserver l’incroyable biodiversité du pays aux 10 000 éléphants.

Je vous raconterais bien comment j’ai passé 48 heures en prison au Zimbabwe pour non-déclinaison de ma profession de journaliste. L’Afrique n’est pas le continent le plus simple pour réaliser des reportages de terrain : sur fond de régimes dictatoriaux et de durcissement des conditions d’obtention des visas presse, le grand reporter y devient une espèce en voie de disparition. Mais c’est d’autres espèces menacées dont il est question de l’autre côté du fleuve Limpopo, en plein Mondial sud-africain. Alors que les visiteurs étrangers affluent comme jamais, on peut légitimement s’enquérir de l’impact du tourisme sur la conservation des lions, buffles, rhinos, éléphants et autres girafes que composent l’extraordinaire biodiversité de la nation arc-en-ciel.

Le tourisme est l’un des tous premiers secteurs de l’économie sud-africaine. Il y représente un emploi sur huit. Avec environ un million de visiteurs par an, le célèbre Parc national Kruger, au nord-est du pays, génère un chiffre d’affaires annuel de 29 millions de dollars. Les devises financières générées par les visiteurs y ont permis de préserver - voire de faire croître - les espèces animales autrefois en danger. Alors qu’en 1920, l’Afrique du Sud comptait 120 éléphants, ils sont aujourd’hui 10 000 à prospérer dans le seul parc Kruger.

On ne compte d’ailleurs plus les réserves privées qui ont su tirer profit de l’essor de l’écotourisme. Si l’on vient toujours en Afrique du Sud dépenser une petite fortune pour tuer « son » lion, les safaris carabine au poing n’ont plus bonne presse. Les réserves privées interdisant la chasse se multiplient et l’on y mitraille uniquement avec des appareils photo. Surtout, on se soucie des retombées du tourisme sur la vie des habitants locaux. A lui seul, le Kruger emploie 60 000 personnes et profite indirectement à près de 500 000 habitants, vivant souvent dans des régions reculées, jusque-là oubliées des politiques de développement.

A un ami travaillant dans le secteur touristique en Afrique du Sud, j’ai demandé quelles étaient les retombées de la Coupe du monde sur le taux d’occupation des réserves. J’étais persuadé que le foot rejaillirait positivement sur le secteur touristique ; or c’est tout le contraire qui se produit ! Hormis les réserves haut de gamme louées des années à l’avance pour le conseil d’administration d’une grande entreprise, la majorité des Lodges sont vides. Au pays des koudous, gazelles, phacochères et autre antilopes, pas un chat. En cause, le prix exorbitant des billets d’avion en période d’affluence et, d’une manière générale, la hausse des prix imposée par les professionnels du tourisme. Les amoureux de la nature ont choisi d’attendre des temps plus propices où vuvuzelas, stades et Fan Parks se seront enfin tus…