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Le charbon de bois
mardi, 29 juin 2010 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Comme son cousin des mines, il est d’un noir de jais. Comme lui, il salit les doigts. Et comme lui, il contribue évidemment à l’effet de serre ? Pas si vite. Attention au délit de sale gueule !

Le thermomètre grimpe, les vacances approchent ou ont commencé… Difficile de résister à l’envie d’un petit barbecue. Mais placer un sac de résidus noirs dans son chariot peut provoquer quelques éco-remords. Car le bilan carbone du charbon de bois est peu flatteur. L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) lui attribue même l’un des bonnets d’âne au classement des combustibles. C’est l’un de ceux qui émettent le plus de CO2, à pouvoir calorifique équivalent.

Pire, « son procédé de fabrication est très énergivore », explique Eric Vidalenc, économiste au Service Economie et Prospective de l’Ademe. Il faut brûler quatre kilos de bois pour en obtenir un seul de charbon. « Le bois est composé de 50% de carbone mais on n’en retrouve que 35% dans le charbon. Il y a donc 15% du carbone qui est perdu », confirme Alfredo Napoli, chercheur spécialisé en pyrolyse au sein du Cirad-Forêt de Montpellier (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). En termes d’énergie, le bilan n’est pas plus flatteur : on ne retrouve 55% de l’énergie initiale du bois dans le charbon. « Le reste part dans les huiles et les gaz », poursuit Alfredo Napoli. Alors, au bûcher le charbon ?

Pas si vite. A la différence des autres combustibles, le bois transformé en charbon est issu d’un arbre qui a capté du CO2 durant sa croissance. « En France et en Europe, la forêt étant gérée durablement, elle s’accroît et joue donc le rôle de puits de carbone : la fixation de CO2 par photosynthèse (accroissement biologique de la forêt + plantations artificielles) est même supérieure aux émissions dues à la décomposition et à la combustion », détaille l’Ademe. Ouf ! Cuire mes brochettes ne contribue donc pas au réchauffement climatique.

Autre atout, le charbon de bois made in France provient en grande majorité de déchets - ¬non traités - de scieries, ou encore de coupes réalisées « pour l’entretien » de la forêt, assure Henri Bordet, patron du syndicat français du charbon de bois et de l’entreprise Bordet Frères. Le charbon de bois ne contribue donc pas à la déforestation. Pas de pollution non plus puisque les législations française et européenne imposent que les gaz émis lors de la pyrolyse (combustion partielle) du bois soient récupérés et détruits. J’ai de nouveau envie de grillades !

Des soupçons de déforestation

Encore mieux, Bordet Frères, le leader du marché français (25% de la production), a mis en place un système de production « carbo-épuré ». En clair : l’énergie perdue au cours de la combustion (partielle) du bois est récupérée pour être utilisée lors du séchage du bois, première étape de la production. Et l’entreprise profite même de l’énergie dégagée par la destruction des gaz nocifs de cette même combustion pour produire de l’électricité en co-génération.

Tout cela serait merveilleux… s’il était facile de choisir son charbon. Sur les 100 000 tonnes consommées chaque année en France, la moitié est importée, ce qui accroît l’impact en CO2 du produit. Mais surtout, environ 8% viennent du Nigeria et 2% d’Indonésie, deux pays qui pourraient, eux, pratiquer la déforestation pour produire leur charbon, selon un bon connaisseur de la filière. Et 25% sont originaires de Belgique, qui produit peu mais importe beaucoup de charbon. Ce qui nuit à sa traçabilité et peut, selon la même source, nourrir des craintes sur la méthode de fabrication du produit.

Du charbon labellisé ?

Des doutes partagés à l’échelle européenne. Une pétition a été déposée auprès de la Commission par la First focus foundation (association écologiste britannique) afin d’accroître les contrôles des produits, en particulier ceux provenant d’Afrique sub-saharienne et d’Asie du sud-est, où l’on pratiquerait la déforestation. Même inquiétude chez les Amis de la Terre, qui recommandent aux consommateurs britanniques d’utiliser du charbon estampillé FSC, un écolabel qui garantie la gestion durable des forêts. Mais peu de chances que vous trouviez un produit estampillé de la sorte au rayon barbecue du supermarché du coin. Alors pour s’assurer des grillades vertes, veillez aussi à respecter les conseils de la rédaction de Terra eco. Pour ceux qui ont raté le premier épisode, voilà un petit rappel.

D’abord, il faut toujours attendre qu’il n’y ait plus de flammes et uniquement de la braise avant de griller la viande pour ne pas risquer de dégager des gaz toxiques. Et privilégier les méthodes de sioux aux allume-feux. Enfin, pour ceux qui ont peur de se griller en public en allumant leur barbecue, voilà une très bonne méthode, testée et approuvée par la rédaction. Merci qui ?

- L’étude de l’Ademe sur les Facteurs d’émission de CO2 pour les combustibles.
- Une étude publiée dans l’Environmental impact assessment review qui compare l’impact d’un barbecue au charbon avec celui d’un barbecue au gaz.
- Les conseils (en anglais) du Guardian pour un Barbecue au goût plus éthique.