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Végétaux à l’assaut du goudron
vendredi, 2 juillet 2010 / Camille Neveux

Des villes imperméables, c’est du passé. Après l’ère du goudron, les architectes réapprennent les vertus des espaces végétalisés pour réguler l’eau de pluie.

C’est une toiture végétalisée dans une école de Montmorency (Val-d’Oise), un bassin dans une zone pavillonnaire à Montbéliard (Doubs) ou encore un parking équipé d’un espace d’infiltration central à Neydens (Haute-Savoie). Ces aménagements, pas forcément glamour, risquent pourtant de changer le visage des villes de demain. Leur intérêt ? Délaisser les surfaces imperméabilisées – que les architectes ont abondamment utilisées dans les années 1960 et 1970 – susceptibles de provoquer des inondations, pour des espaces végétalisés, qui absorbent et diminuent les quantités d’eau de pluie. « On récupère l’eau, on stocke, on redistribue et on gère les débordements, un phénomène toujours aléatoire », résume Jean-François Maregiano, directeur du cabinet JFM Conseils, spécialisé dans le cycle de l’eau. Cette démarche risque de devenir indispensable à l’heure où les pluies sont appelées à s’intensifier, changement climatique oblige.

75 000 emplois créés outre-Rhin

Et voilà comment la « gestion alternative des eaux » est née il y a plus de vingt ans en Allemagne et aux Pays-Bas, pays qui se sont depuis dotés de moyens juridiques, économiques et techniques pour l’appliquer. Outre-Rhin, plus d’une commune sur cinq a lancé le mouvement en subventionnant à 50 % le recyclage des eaux pluviales. Un investissement gagnant puisque ce type de recyclage représente une économie réelle pour les budgets d’assainissement. « Il y a là-bas une vraie expertise, observe Elisabeth Laville, responsable du cabinet de conseil Utopies, spécialiste en développement durable. Les architectes ont végétalisé les parkings, installé des fossés, des roseaux de filtration et des mares, notamment dans les fameux écoquartiers Vauban et Rieselfeld à Fribourg. Et cela a, en outre, généré pas moins de 75 000 emplois verts. »

On retrouve les mêmes aménagements en Suède, en Suisse, en Australie et au Japon, où la création d’espaces inondables est courante, notamment dans les cours d’école ou les terrains de sport. Idem à Eva-Lanxmeer, écoquartier de Culemborg aux Pays-Bas : des bassins supplémentaires de rétention d’eau ont été aménagés dans d’anciens lits de rivières, en cas d’inondation.

La France en retard

Et la France ? Elle s’y intéresse, mais avec plus de difficultés. « De plus en plus de communes et de conseils régionaux sont sensibilisés à la régulation des eaux, note Jean-François Maregiano. Là où nous péchons le plus, c’est sur la réutilisation des eaux, parce que la législation est plus compliquée. » Selon Elisabeth Laville, « même si un bâtiment estampillé Haute Qualité Environnementale prend en compte un système de gestion alternative des eaux, cela ne suivra pas au niveau du quartier, car rien n’est pensé au niveau global. » Mais elle veut rester optimiste : « La bonne nouvelle, c’est que l’on n’a pas beaucoup planché sur ce sujet, et que tout reste donc possible. » —