https://www.terraeco.net/spip.php?article11224
Israël : le paradis du compte-gouttes
vendredi, 2 juillet 2010 / Mélanie Rouffet

Alors qu’un tiers de la surface de la planète est considérée comme désertique, Israël transforme les hectares de sable en champs fertiles.

Dans les villages de la vallée de l’Arava, les longues avenues bordées de palmiers, les jardins fleuris et les magnifiques villas de plain-pied rappellent les riches villes californiennes. Pourtant, on est au sud de la mer Morte, en plein cœur du désert du Néguev qui recouvre 60 % du territoire israélien. Pas de source miraculeuse en vue, mais de la très haute technologie agricole. « Les 460 agriculteurs de cette vallée produisent aujourd’hui 60 % des fruits et légumes israéliens », explique fièrement Boaz, exploitant agricole, depuis sa villa ultra-climatisée du village d’Ein Yahav. Dans cette zone désertique, 90 % des résidents sont devenus de prospères agriculteurs, grâce à une technique maison : la micro-irrigation.

Expérimentée pour la première fois par un Israélien, Simcha Blass, en 1959, elle consiste à « acheminer l’eau lentement, directement aux racines des plantes et au moment opportun », décrit Roi, un ancien travailleur agricole. En réduisant les risques d’évaporation, elle a révolutionné l’agriculture israélienne et est désormais pratiquée sur 50 % de la superficie irriguée du pays. Sa carte maîtresse : diminuer la consommation d’eau de 40 % à 60 % par rapport aux techniques traditionnelles. Aujourd’hui, elle a conquis les Etats-Unis, l’Australie, la Chine, l’Amérique du Sud et certains pays africains. En 1981, l’irrigation au goutte à goutte concernait environ 440 000 hectares dans le monde. En 2006, plus de 6 millions.

Avocats, fraises, figuiers nains

Exploitations sous serre contrôlée par ordinateur, irrigation au goutte à goutte et procédés d’emballage sophistiqués ont fait du désert de l’Arava une véritable Silicon Valley de l’agriculture. Pourtant, ici, au départ, tout n’est que sable, eau salée, précipitations rares (200 ml par an) et soleil de plomb (plus de 45°C de moyenne durant l’été). « Près de 70 % des tomates cerises, poivrons, dattes et melons cultivés ici sont destinés au marché national. Le reste part pour l’exportation vers l’Europe, les Etats-Unis, et bientôt le Japon… », ajoute Boaz, propriétaire de 5 hectares, près de la frontière jordanienne.

Milliers de petites mains

Dans ces fermes coopératives, le légume roi est le poivron. Mais sous les immenses serres, se succèdent aussi des rangées de cornichons, de pastèques, d’aubergines, de basilic ou encore de figuiers nains, une espèce créée justement pour ce type d’exploitation. Depuis quelques temps, les fermiers ont dû se diversifier pour répondre à la demande grandissante de fruits par les Européens durant les mois d’hiver : avocats, pastèques, bananes, ainsi que fraises et framboises sont ainsi apparus dans les hangars de conditionnement. Au cœur du dispositif, des milliers de petites mains : 26 000 ouvriers agricoles essentiellement venus d’Asie, notamment de Thaïlande. Cette main-d’œuvre bon marché permet à la région d’être ultra-compétitive sur le marché.

Ce rêve agricole bute cependant sur une réalité tenace : malgré une gestion optimisée de ses ressources, Israël est confronté à une pénurie d’eau grandissante. Ses principales sources – l’aquifère côtier, le lac de Tibériade, le Jourdain et ses affluents et les collines de Judée – s’assèchent peu à peu. Le Centre de recherche et développement régional (1) tente de relever le défi en développant le stockage des eaux de pluie, le recyclage des eaux usées et la désalinisation de l’eau de mer. Mais fait aussi le pari du génie génétique, en développant des espèces plus résistantes au stress hydrique. —

(1) Financé en grande partie par le KKL, fonds national juif, créé en 1901 pour racheter des terres en Palestine.