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Vive les cerveaux lents !
vendredi, 2 juillet 2010 / Arnaud Gonzague

Vivre plus lentement, un nouvel art de vie, Pascale d’Erm et Elie Jorand, Ulmer, 144 p., 25  euros

On prend le pari ? Dans quelques décennies, notre société organisera des séances de thérapie collectives appelées « réunions des Pressés anonymes ». Des individus convulsifs, trépignants, ayant surmonté leur honte et leur dégoût d’eux-mêmes, s’y rendront pour avouer face à une audience compatissante l’énormité de leurs errements : « Bonjour, je m’appelle Arnaud. Au bureau, je regarde en permanence ma montre et je bâcle mon travail avant de me précipiter sur ma moto pour rentrer chez moi et bâcler le coucher de mes enfants… » Et les autres patients d’opiner gravement : « Bravo Arnaud, oser en parler, c’est déjà un premier pas… » Car la vitesse n’est ni un concept abstrait ni un choix : c’est une maladie. Une sorte de dérèglement hormonal qui aurait frappé l’Occident au début du XXe siècle et expliquerait, presque à lui seul, tous nos dysfonctionnements.

Routine décérébrante

Vivre plus lentement, comme nous invite à le faire cette enquête, très richement illustrée, de la journaliste Pascale d’Erm, ce n’est pas simplement mettre une couche de blanc sur quelques cases de son emploi du temps. C’est changer de regard sur soi et sur le monde. « En freinant un grand coup, on se réapproprie son temps personnel et ce faisant, on parvient à ajuster ses envies avec son mode de vie réel. » Posez-vous une minute et les bonnes questions affluent. Avez-vous besoin de travailler plus pour gagner plus ? Est-il indispensable de prendre la voiture pour conduire vos enfants à la crèche qui se trouve à deux pâtés de maison ? Aurez-vous vraiment foiré votre vie si vous n’avez pas une grosse tocante à 50 ans ?

Bref, comme le résume l’un des militants du tempo giusto interviewés dans le bouquin, « ralentir, c’est résister ». Tout simplement. Les grandes grèves du Front populaire, c’est du temps reconquis sur une routine décérébrante. Mai 68 aussi. Et aujourd’hui, les 100 villes du monde appartenant au réseau des « Cittaslow » (les « communes lentes ») ne se contentent pas de casser les horloges municipales : elles chassent les bagnoles du centre, transforment les parkings en jardins, limitent la destruction des immeubles anciens, ralentissent l’extension des grandes surfaces et l’invasion des panneaux publicitaires… De même, la slow food n’est pas le contraire de la malbouffe uniquement parce qu’elle fait poireauter les clients en salle : c’est une cuisine composée de produits de saison, bio, livrés localement, composée – et savourée – en prenant son temps.

Enfin, on ne s’étonnera guère que les tenant du slow design produisent des objets longuement mûris, construits avec des matériaux qui durent et ayant une faible empreinte écologique (recyclés par exemple)… Et l’on repense à cette vieille BD de Gébé, récemment rééditée, appelée L’An 01, et qui appelait à faire un « pas de côté ». Son histoire se résume en trois phrases : « On arrête tout. On réfléchit. Et c’est pas triste. » Alors, on arrête tout ?  —


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