https://www.terraeco.net/spip.php?article11145
J’ai testé : faire mes courses sans bisphénol A
jeudi, 24 juin 2010 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Plus de bisphénol A dans les biberons en 2011. C’est ce qu’ont décidé les députés. Insuffisant pour la Ligue contre le cancer qui lance une pétition prônant l’interdiction totale de ce produit. Mais au fait, où est-il ? « Terra eco » l’a traqué dans les étals.

Nom du suspect ? Bisphénol ou BPA. Qualité ? Composé chimique servant à la fabrication du polycarbonate, un plastique dur, très solide et transparent. Charges ? Soupçonné d’être un perturbateur endocrinien, c’est-à-dire une menace pour la régulation hormonale, en particulier celle du nourrisson. La dernière fois qu’on l’a vu ? Selon le Réseau environnement santé, on le trouve dans les emballages plastiques alimentaires (grandes bouteilles d’eau, conserves, cannettes, biberons), l’électroménager de cuisine (bouilloires, cafetières) mais aussi les CDs, certains meubles de bureaux, les pare-chocs des voitures, les lunettes de soleil… Bref, il est partout à la fois et je n’aurai de cesse de le traquer.

Comment le repérer ? Étant plutôt du genre à vérifier ce que je mets dans mon chariot, j’emmène ma loupe. Au supermarché, il va me falloir retourner chaque produit pour lire son « code recyclage ». C’est le petit triangle à trois flèches situé au dos ou au bas des produits et qui contient un petit numéro. Les numéros qui indiquent la présence de bisphénol – et sont donc à éviter – sont le 7 (autres plastiques) et, dans une moindre mesure, le 3 (polychlorure de vinyle) et le 6 (polystyrène). C’est le Réseau environnement santé qui m’a donné l’astuce.

Le petit électroménager : Commençons par les bouilloires, puisqu’il paraît que c’est en chauffant les objets contenant du bisphénol que l’on prend le plus de risques. Je retourne avec précaution chaque objet, sans rien trouver. En m’attaquant aux cafetières, je manque de casser une carafe mais, là non plus, je n’aperçois aucune trace de polycarbonate. Pour me redonner du courage, je me reporte sur les biberons. Facile, me dis-je. Mais surprise, aucun code 7 dans le rayon ! Des « No bisphenol » sont bien inscrits mais seulement sur les biberons en verre… Puisqu’on ne trouve du bisphénol que dans les plastiques, je ne suis pas plus avancé. Finalement, il me faut dénicher un mélangeur à vinaigrette pour trouver le fameux triangle à trois flèches. Mais, mystère, aucun chiffre ne figure au milieu !

Les emballages alimentaires : Rien à l’horizon. Après une bonne heure passée à arpenter les rayons, aucune trace de Code 7. Sur les conserves ? Pas de mention. Les bouteilles d’eau ? Elles sont toutes en polyéthylène, code 1. J’ai eu beau retourner tous les emballages, essayer de lire les numéros avec la transparence ou en m’éclairant avec les néons des rayons, rien. Seuls deux pots de yaourts sont étiquetés 6 et peuvent donc contenir quelques traces de bisphénol. Le gérant du magasin me regarde maintenant avec des airs d’Ordralfabetix qui lance « Il est pas frais mon poisson ? » Il est l’heure pour moi de filer. Retour à la case départ.

Je demande conseil à Soléane Duplan, coordinatrice du Réseau environnement santé. « Il est clair que ces codes recyclage ne sont que des indications car ils ne sont pas obligatoires pour les fabricants. Les conserves sont tapissées d’un revêtement en résine Epoxy et pourtant elles ne contiennent pas de code recyclage », dénonce-t-elle. En l’absence de code, il faut donc, selon elle, renoncer à acheter les produits, surtout pour les enfants et les femmes enceintes. Pour les biberons, il faut préférer ceux en verre ou les rares étiquetés « Sans bisphénol ». Mais pour les produits alimentaires, ce principe de précaution revient à renoncer aux boîtes de conservation des aliments, à certains produits laitiers, à la plupart des conserves.

Alors suis-je condamné à errer entre les rayons sans pouvoir repérer les produits contenant du BPA ? « Beaucoup de produits à usage ménager contiennent du BPA, en particulier ceux en polycarbonate, mais il est impossible de les repérer facilement, donc il est impossible d’en faire la liste précise », confirme Marie Favrot, directrice de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires à l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments). « Nous demandons qu’une mention claire et lisible soit apposée sur l’étiquette des produits en polycarbonate. Ainsi, les consommateurs qui décident de les acheter ne s’en serviront pas pour chauffer les aliments car c’est en les chauffant que les risques de migration du bisphénol vers les aliments est la plus importante », indique-t-elle.

Je me tourne alors vers les fabricants de plastique, en espérant qu’ils puissent me venir en aide. Mais même Michel Loubry, directeur Europe de l’Ouest de Plastics Europe, le syndicat européen des fabricants de matière plastique, n’est pas capable de dresser la liste des produits contenant du BPA. « Avant de se pencher sur un éventuel étiquetage de ces produits, il faut se pencher sur la question du risque », rétorque-t-il même. « Le BPA est dangereux à l’état pur mais les doses émises par les produits en polycarbonate, même chauffé, sont si faibles qu’il n’y a aucun risque », assure-t-il. Pourtant, si l’on interdit le bisphénol pour les biberons, j’aimerais au moins savoir s’il y en a ou non dans ma nouvelle bouilloire. Quid du choix des consommateurs ? « Si l’on indique sur l’étiquette que le produit est fabriqué en polycarbonate, alors il faut aussi indiquer des dizaines d’autres substances. Et on aura alors des problèmes de suremballage », s’amuse-t-il. Le bisphénol A a réussi à m’échapper et je ne suis pas près d’y voir plus clair…


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