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Fièvre du foot et virus du sida
vendredi, 18 juin 2010 / Guillaume Pitron

5,7 millions de Sud-Africains – sur 49 millions d’habitants – sont touchés par la maladie. Alors tous les moyens sont bons pour faire de la prévention. Certaines ONG profitent ainsi du mondial pour diffuser leurs messages via des tournois de football.

Le virus du football s’est emparé de l’Afrique du Sud, porté par la contagion des vuvuzelas multicolores brandies par les supporters. Loin, très loin de ce vacarme, se propage une toute autre épidémie, aussi silencieuse que dévastatrice : sur une population de 49 millions d’habitants, l’Afrique du Sud compte 5,7 millions de personnes touchées par le sida en 2010. C’est plus de 18% de la population adulte. Même le plus ignorant des étrangers que j’étais lors mon arrivée dans le pays au début de cette année n’a pas pu ignorer longtemps l’ampleur de la tragédie.

La nécessité de se prémunir contre le HIV est inscrite partout en grosses lettres sur les panneaux publicitaires qui bordent les autoroutes. A Johannesburg, il suffit d’aller faire un tour dans la banlieue de Brixton ou aux abords de l’université du Witwatersrand, dans le centre de la ville, pour côtoyer des hommes et des femmes, blancs ou noirs, tous shootés, les bras recouverts de traces de piqûres de seringue. Le sida est dans toutes les conversations, dans les spots télévisés, à la radio… Ici, tout le monde a un parent, un ami, un proche touché par ce mal dévastateur.

Dans les campagnes d’Afrique du Sud, à l’écart des stades envahis de supporters, des associations ont eu l’idée de prévenir le mal par… le football. La grande fête du ballon rond est le moment idéal pour mettre un coup de projecteur sur le travail de Grassroot Soccer (GRS). Basée dans 14 pays africains, et en particulier en Afrique du Sud, l’ONG éduque les enfants aux risques d’infection et à la prévention tout en les faisant participer à des tournois de foot. Le sida « est un peu tabou ici, un peu stigmatisé, explique Ethan Zohn, l’un des fondateurs de GRS. En mêlant une activité vraiment sympathique, comme le football et la Coupe du monde, à la question du VIH et du sida, nous pouvons surmonter ces difficultés ».

Bien sûr, les ONG ne sont pas les seules sur le pont : depuis 2003, les pouvoirs publics ont pris le problème à bras le corps et se concentrent sur la prévention et la distribution gratuite d’antirétroviraux. Un plan 2007-2011 fixe même l’objectif d’un accès universel aux soins. Pas assez pour éradiquer un désastre humain, aggravé par les doutes émis par Thabo Mbeki, du temps où il exerçait ses fonctions de président de l’Afrique du Sud (1999-2008), sur le lien entre HIV et sida… Manto Tshabalala-Msimang, sa ministre de la Santé, contestait même l’efficacité des antirétroviraux, préconisant une alimentation à base d’ail, de citron et de betteraves pour se prémunir du virus ! Conséquence : avec 300 000 à 350 000 décès chaque année, le sida reste la première cause de mortalité dans le pays.