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La maison tatou et ses atouts
vendredi, 18 juin 2010 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Des étudiants en architecture grenoblois ont conçu une maison solaire pour le concours international Solar Decathlon, qui débute ce week-end à Madrid. Un bâtiment aux performances impressionnantes. Visite guidée.

Près de Chambéry, sur le site de l’Institut national de l’énergie solaire (Ines). Cinq étudiants en architecture grenoblois arborent le tatou comme totem sur leur T-shirt bleu azur, siglé au nom de leur projet : l’Armadillo Box. Derrière eux, une réplique de la maison qu’ils ont construite à Madrid pour la première édition de la compétition universitaire internationale Solar Decathlon Europe.

Quel rapport avec le tatou ? Trêve de suspense : « cet animal possède un système de régulation thermique par les pattes, qui lui permet de capter la chaleur du sol. Pour la maison, les pattes sont cachées, c’est la géothermie qui court tout autour du bâtiment », explique Vivian Vial, étudiant à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble. Elle copie également la structure en trois couches de la bête : le noyau, la peau, et la carapace. « On a un “core” (noyau, ndlr) préfabriqué qui rassemble tous les réseaux électriques, hydrauliques et l’électronique qui régit la maison ; une “skin” (peau, ndlr) en ossature bois et isolation laine de bois ; et une “shell” (carapace, ndlr) qui permet de porter les panneaux photovoltaïques et aussi de protéger la maison contre tous les apports thermiques superflus », détaille-t-il.

Une maison biomimétique ?

S’inspirer de la nature pour réaliser des technologies, c’est ce qu’on appelle le biomimétisme, non ? « Ce ne serait pas très juste. Le principe de fonctionnement y ressemble, mais l’idée du tatou est venue un peu après. C’est un ingénieur qui a proposé cela pour réduire au maximum les coûts de fabrication du noyau car on peut tout travailler à l’atelier au sec », nuance l’étudiant. Pas bête. Et l’Armadillo Box a d’autres tours dans sa boite, comme le triple vitrage, les volets roulants doublés de stores côté Sud ou encore une chape de plomb pour stocker la chaleur ou la fraîcheur. « Là, elle a emmagasiné pendant la nuit et ça fait du bien avec ce soleil… », souffle Odette Fuentes, une autre membre de l’équipe.

La maison tatou en a aussi dans le crâne, avec trois capteurs thermiques, un capteur hygrométrique et un détecteur de pollution de l’air. « Avec toutes ces informations, un logiciel pilote la maison avec une machine qui fait ventilation double flux et pompe à chaleur », décrypte l’étudiante. Avec tout ça, la consommation totale dans l’année chute à 1 873 kWh pour 57 m2. Une énergie fournie par les panneaux solaires, avec du rab pour faire 14 000 km en voiture électrique. Pas mal, non ?

A peine plus de 140 000 euros pour ce bijou

Et combien coûte ce bijou ? Entre 1 300 et 2 500 euros par m2 selon la part d’auto-construction, assistée par des entreprises spécialisées. Soit un peu plus de 140 000 euros dans le pire des cas. Et pas de facture d’électricité. « 57 m2, c’est petit », dirons certains. C’est étudié pour, en fonction de la consommation d’énergie. Ce qui suppose un certain mode de vie : « en hiver on se réfugie dans ce petit cocon. Par contre l’été on bénéficie de la terrasse, ce qui double la surface », résume Romain, un autre étudiant de l’équipe.

La maison tatou serait-elle la maison écolo idéale ? Elle concourra en tout cas au Solar Decathlon de Madrid contre les projets d’équipes allemande, espagnole, brésilienne, chinoise, mexicaine et même française. Vincent Jacques-Le-Seigneur, le secrétaire de l’Ines, est confiant : « je pense que c’est un bon compromis entre la rationalité des ingénieurs et l’inventivité des architectes. A Madrid, il y aura peut-être des projets plus fantasques mais qui seront moins efficaces ».

Demain sur le marché ?

Comme son nom l’indique, le Décathlon comporte 10 épreuves, dont une subjective sur le mode de l’émission « Un diner presque parfait »… « Sur le critère objectif de l’électricité produite, nous sommes au maximum autorisé avec 15 kW. Il y a aussi l’industrialisation du projet : tout ce que vous avez sous les yeux peut être demain sur le marché », se félicite-t-il.

Autre avantage : le « noyau », condensé de high tech, peut-être fabriqué en série, tandis que la « peau » serait confiée à des artisans locaux avec les matériaux du coin. Et c’est « open source » : « si des architectes ou des promoteurs veulent reprendre l’idée ou la modifier, libre à eux. On est seulement là pour former des jeunes. » Qu’en pensent ces derniers, justement ? Que l’aventure les a fait grandir. « Maintenant on va laisser mûrir. Je pense qu’il y a des très bonnes idées que l’on pourra exploiter dans de futurs projets », estime Vivian. Y’a plus qu’à !