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Quand la Chine délocalisera… en Chine
vendredi, 18 juin 2010 / Hélène Duvigneau

Dans l’Est, les récents mouvements sociaux ont entraîné une vague de hausses des salaires. De quoi faire perdre au pays son attractivité ? Pas du tout, car de nouvelles régions émergent. La Chine restera encore quelques années l’atelier du monde.

Les conflits récents qui ont ébranlé les usines chinoises, notamment celles de Foxconn, vont-ils redistribuer les cartes des pays où il fait bon produire pas cher ? Eh bien non, affirment les experts. Et ce malgré la hausse du salaire minimum autorisée début juin dans les grandes villes chinoises.

Stephen Green, économiste en chef de la Standard Chartered Bank de Shanghai, rappelle ainsi que la Chine « n’est plus bon marché en termes de coûts salariaux depuis un certain nombre d’années », mais que cette tendance est contrebalancée par une productivité du travail encore élevée, « notamment en raison de la qualité des infrastructures et des politiques d’attractivité pour drainer les investissements étrangers ».

Les entreprises se comportent comme des moutons de Panurge

Certes, les sous-traitants chinois s’inquiètent aujourd’hui des conséquences de ces hausses sur leurs exportations, et pourraient commencer par rogner sur leurs dépenses en équipements, voire procéder à des licenciements. Mais ces hausses sont un juste retour de balancier. Selon la Fédération des syndicats chinois, près de 25% des salariés n’ont pas vu leur fiche de paie augmenter depuis cinq ans. Et la rémunération du travail, qui représentait 56,5% du PIB chinois en 1983, n’était que de 36,7% en 2005.

Par ailleurs, les salaires ne représentent que 10 à 15% des frais généraux des entreprises, d’après Standard Chartered. Et 8% seulement de la valeur ajoutée des produits d’une marque comme Apple, selon Xavier Richet, professeur d’économie et chercheur au CEFC (Centre d’études français sur la Chine contemporaine). « Les entreprises étrangères ont tendance à se comporter comme des moutons de Panurge. Si le voisin va en Chine, elles se disent : “pourquoi pas moi ?” » Surtout, beaucoup s’installent en Chine non pour exporter mais parce qu’elles visent le marché chinois.

Le premier challenger de la Chine de l’Est : l’arrière-pays chinois

« Dans leur choix de délocalisation, explique Hervé Liévore, analyste stratégie chez le gérant d’actifs AXA Investment Managers, les entreprises tiennent compte de la qualité des infrastructures, de la présence de clusters ou encore des facilités de financement. Si elles ne s’attachaient qu’aux salaires, elles iraient davantage en Afrique. » Le premier challenger de la Chine de l’Est serait donc plutôt à chercher du côté… de l’arrière-pays chinois, notamment les régions situées à l’ouest de Shanghai, ou encore le Sichuan (au centre) ou la Mongolie intérieure (au nord).

André Chieng, vice-président du comité France-Chine du Medef, estime que « le départ des entreprises étrangères de Chine finira par se faire parce que le Viet-nâm, le Cambodge ou la Birmanie émergent, mais, comme le disait Mark Twain à la suite d’un scoop annonçant son décès : "Je pense que l’annonce de ma mort est un peu prématurée" ».

- Article du Financial Times