https://www.terraeco.net/spip.php?article10957
« Les vaches mangent-elles de l’herbe ? »
mardi, 15 juin 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Cette question nous a été posée par un de nos lecteurs, tout étonné de se retrouver nez à nez avec la nouvelle campagne de publicité « Le bœuf, une énergie naturelle ». Tentative de réponse.

La question de notre lecteur

« Je découvre la nouvelle pub de la filière bovine. On nous montre des bovidés dans les prairies, mangeant goulûment de la bonne herbe pour faire de la bonne viande. Et la pub de continuer sur l’intérêt desdites prairies. Je résume ici, en y apportant ma caution : elles stockent le carbone, augmentent la biodiversité, et permettent l’infiltration des eaux, réduisant le ruissellement par rapport à des sols labourés. Tout cela est bien beau et correspond à une certaine réalité dans certaines régions. En Franche-Comté, région d’élevage, les vaches sont effectivement nourries à l’herbe des pâturages (oui, pour faire le bon comté). Mais essayez voir de faire pousser autre chose que de l’herbe sur les plateaux…

En Alsace, il y a des vaches aussi. rarement vues, cependant, car elles restent souvent à l’étable. Et nourries de quoi ? D’herbe, de foin, oui. Mais aussi de maïs ensilage et, comme celui-ci ne rapporte pas assez de protéines, de soja. Et d’où vient le soja ? D’Amérique du Nord et Latine, où il est cultivé aux dépens de la forêt primaire. Donc, je demande ceci à la filière bovine : quelle est la proportion de nourriture issue du maïs (merci les pesticides, les coulées de boues…) et du soja ? Quelle est la réelle part de l’herbe et du foin ? Il ne faudrait pas nous faire avaler des couleuvres, fussent-elles aussi grosses que des vaches ! »

La réponse de « Terra eco »

Pour vous, cher lecteur, nous sommes allés l’interroger la filière bovine. Voici sa réponse. Toutes filières confondues (viande et lait), « l’alimentation c’est en moyenne 60% d’herbe, 20% de fourrage de maïs conservé sous forme d’ensilage et 20% d’aliments concentrés (tourteaux de colza, de soja…, ndlr) », précise-t-on au Centre d’information des viandes (CIV). « Un chiffre crédible », selon Lionel Vilain, conseiller technique auprès de France Nature Environnement. Mais qui cache « de nombreuses disparités. Là-dedans, il y a des systèmes tout à l’herbe – dans le Massif central ou le grand Ouest breton par exemple – et d’autres avec 0% de pâturages dans lesquels les bovins ne sont nourris qu’au maïs ensilage et aux compléments ».

En fait, les écarts sont de différents niveaux. Il y a d’abord les écarts entre vache à viande et vache à lait. Si la première consomme « 80 à 90% d’herbe », la seconde « plutôt 40% », concède le CIV. Mais attention, la laitière a souvent, en fin de vie, une seconde carrière… de vache à viande (entre 45% et 55% de la viande de vache provient ainsi des laitières). Mais pourquoi les unes ont-elles droit à de la bonne herbe grasse et pas les autres ? L’élevage laitier est en moyenne plus intensif que son voisin, destiné à la production de viande. Mais l’écart dépend aussi de l’animal ou de la région. « Dans les zones pentues de montagne avec une qualité agronomique moindre, on ne peut pas cultiver. On utilise donc l’herbe pour les animaux », souligne Roger Palanzon, de l’Institut de l’élevage. Ailleurs, ce sont des exploitations plus petites, un climat trop rude où l’herbe est rare, qui poussent les agriculteurs à renvoyer les bêtes vers l’étable et à les nourrir de céréales ou de compléments.

« Avant d’envoyer l’animal à l’abattoir, il faut qu’il ait pris un maximum de muscle mais aussi de la matière grasse. C’est pour ça qu’on donne des céréales et des compléments azotés. Même quand les animaux paissent la plupart du temps, les éleveurs sont contraints de les nourrir ainsi pour les “finir” avant de les envoyer en abattoir », explique Roger Palazon. Un passage non obligatoire pour Lionel Vilain de la FNE qui reproche aux compléments moult désavantages : « Le soja par exemple est cultivé au Brésil et en Argentine aux dépens des cultures vivrières et émettent du CO2 quand elles sont transférées. Et puis, les animaux nourris au maïs ensilage et aux compléments ont souvent une longévité bien moins longue. » Réponse du CIV : « Sur les 20% de "concentrés", seuls 3/4 sont des céréales qui sont généralement produites sur l’exploitation même. Les tourteaux qui sont des protéines végétales peuvent effectivement être importés. »

- La publicité de l’Interbev qu’évoque notre internaute
- Le rapport de la FAO sur l’élevage
- Le site de l’Institut de l’élevage
- Plaquette du CIV sur la ration des bovins
- Les chiffres de l’Inra sur la filière bovine
- Les chiffres de l’Institut de l’élevage sur la filière bovine