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France-Brésil : la revanche des maillots
jeudi, 10 juin 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Et si les Bleus rencontraient à nouveau la Seleção en finale du mondial de foot ? Ils partiraient avec un sacré désavantage : le poids de leurs maillots, plus lourd en CO2 que ceux des Brésiliens, issus de bouteilles recyclées. Chronique d’un match perdu d’avance.

Faisons un rêve. Un rêve bleu. Portée par un soudain élan, l’équipe de France passe sans encombre le premier tour de la Coupe du Monde de football. Puis les huitièmes, les quarts, les demi-finales. Et se retrouve nez à nez avec un vieil ami : le Brésil. Douze ans après la finale de 1998, les Sud-Américains s’offrent une revanche sur les Bleus. A l’heure dite, Gallas, Malouda, Ribéry entrent sur le terrain. A quelques mètres, Robinho, Maicon et Kaká dévorent la pelouse. Les tribunes sont pleines, les supporteurs à cran. On murmure un vieux refrain : « Et un, et deux, et trois… » La France va-t-elle s’offrir un nouveau titre ? Le Brésil laver l’affront de Saint-Denis ? Mystère.

Seule certitude : sur la pelouse – verte – de l’environnement, les Bleus partent déjà perdants. La faute à leur maillot. Car si c’est Adidas qui équipe les hommes de Domenech, les Auriverde, eux, arborent la virgule de Nike et un maillot fabriqué en bouteilles recyclées. Depuis l’annonce de sa sortie en février dernier, le sponsor en vante les mérites à tous vents : plus léger, plus confortable et plus écolo. Sauf qu’à Terra eco, on aime bien faire nos petits calculs et brandir notre bonne vieille calculette. L’heure tourne. Revenons donc à notre match : maillot français contre maillot brésilien.

Kaká rit sous cape

A gauche, Franck Ribéry bombe le torse sous son Adidas. 130 grammes de polyester pur. Selon les chiffres avancés par Pablo Päster, ingénieur et référence sur la toile sur le site (Ask Pablo), un kilo de PET (polyester pour les novices), c’est 6,45 kg de pétrole extrait des profondeurs de la terre et 3,723 kilos d’équivalent carbone envoyés dans l’atmosphère. Résultat avec ses 11 joueurs et son 1,43 kilo de maillots, l’équipe de France verse sur la pelouse 9,2 kilos de pétrole en toute impunité. Et envoie au-dessus du stade au passage 5,3 kilos de CO2. Même pas peur, grogne Ribéry.

Sauf qu’à droite, Kaká rit sous cape. Sur ses épaules, le meneur de la Seleção arbore fièrement 8 bouteilles de plastique recyclées. Pour quel bilan carbone ? Le site d’ Eco-emballages vient à notre rescousse et brandit une liste d’économies réalisées par tonne de PET recyclé. Résultat : les Auriverde et leurs tee-shirts version récup économiseraient à eux onze 0,9 kilo de pétrole et 3,3 kilos de CO2. Soit l’équivalent de 25 kilomètres parcourus en Twingo.

582 Paris-New York aller-retour

Pas de quoi frimer, direz-vous ? Sauf que Nike ne se contente pas d’équiper les joueurs qui s’agitent sur le terrain. Elle habille aussi ceux qui patientent, en se rongeant les ongles, sur le banc de touche. Mieux, la marque nippe aussi les équipes des Pays-Bas, des Etats-Unis, du Portugal et d’Australie. En tout, grâce à ses maillots, la marque sportive empêcherait 13 millions de bouteilles de rejoindre la décharge, sauvant ainsi de l’oubli 254 000 kilos de polyester. Une quantité suffisante pour recouvrir plus de 29 terrains de football, assure le communiqué de presse. Du coup, le bénéfice s’allonge. En tout, voilà 155 tonnes de pétrole économisés et 582 tonnes d’équivalent CO2 épargnés à l’atmosphère. Là, on est bien obligé de lâcher la Twingo pour dégainer l’Airbus. 582 tonnes ? C’est en gros 582 fois Paris-New York aller-retour en avion.

Sur la pelouse, Ribéry a baissé les bras. Et Kaká chante victoire. Seule consolation pour les Bleus, Nike équipera l’équipe de France dès 2011. En espérant que le maillot recyclé en bouteilles n’était pas seulement un tube de l’été.