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J’ai testé : le véhicule solaire
lundi, 7 juin 2010 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Prototypes, vélos, dirigeables ou camping-cars : le festival Solar Event, organisé sur les rives du Lac du Bourget en Savoie, promettait nombre d’occasions d’embarquer dans un engin carburant au soleil. J’ai tenté ma chance…

11 heures. Les batteries pleines à ras bord et profitant du soleil de plomb de ce samedi 5 juin, une myriade de bolides dopés au photovoltaïque s’élance sur la piste. Bienvenue au technopôle de Savoie Technolac, près de Chambéry pour le challenge d’endurance du festival Solar Event. Les candidats sont dignes des « Fous du Volant » : deux « sunracers » – des F1 solaires, ni plus ni moins – une mini-voiture au look de Ferrari, une calèche 100% matériaux de récup, un tandem, etc. L’occasion rêvée de tester un véhicule fonctionnant à l’énergie solaire, me dis-je. Mais du côté des compétiteurs – qui seront plus de six heures en piste –, personne ne semble prêt à me prêter un volant ou un guidon. Raté.

Quoique. Alors que son rival Sunspeed roule à fond la caisse, le sunracer orange Helios est arrêté sur le bas-côté. Coup de chance pour moi ? Non : coup dur pour le pilote. La rotule de direction est cassée. Le bolide de l’Ecole des hautes études d’ingénieur de Lille doit être réparé, mais n’abdiquera pas face aux voisins de l’université de Picardie. Après tout, il a déjà traversé l’Australie du Nord au Sud… Dommage : roulant à 60 km/h avec ses panneaux seuls et capable de pointes à 100 km/h en puisant dans les batteries, le volant d’Helios me faisait de l’œil.

Géo Trouvetou, Icare et Lindbergh

Mais moi non plus, je n’abandonne pas comme ça. Je me replie sur les innovations du Solar Event. Premier Géo Trouvetou rencontré : Christophe Praturlon qui propose d’embarquer appareils photos ou capteurs de pollution de l’air dans des ballons solaires. « C’est le même principe qu’une montgolfière, sauf qu’au lieu d’utiliser un brûleur, on capte l’énergie solaire via l’enveloppe du ballon », explique-t-il. Yann Arthus-Bertrand, si tu nous lis… Multipliez par 10 le volume et vous pouvez transporter un héritier d’Icare. Mais cette application est encore au stade du prototype. Juste en face, deux étudiants de l’Insa (Institut national des sciences appliquées) de Lyon présentent le projet Sol’R. L’idée ? S’envoyer en l’air avec un dirigeable, le Nephelios, propulsé par des panneaux photovoltaïques. Avant même la traversée de la Manche en juillet prochain, l’équipe prépare déjà une version plus costaude pour un Paris-New York digne de Lindbergh. Sauf qu’avec ses 22 mètres de long, le Nephelios n’est pas présent en Savoie : il est sagement resté dans son hangar.

Sur le stand voisin, un camping-car solaire attire mon attention. Mais, à moins de rejouer Chérie, j’ai rétréci les gosses, difficile de monter dans une maquette. L’idée : un moteur de 45 kW, alimenté par un station photovoltaïque de 5 kW. Insuffisant pour l’usage d’un véhicule lambda, mais envisageable pour un camping-car, à condition de repenser l’idée de voyage : « C’est comme pour un voilier. Quand il y a peu de vent, on va moins loin et les jours sans, on jette l’ancre et on nage autour ou on bronze… Ainsi le trajet fait partie des vacances, alors qu’aujourd’hui, on va d’un point A à un point B sur l’autoroute », explique son concepteur, Michel Riera.

Tondeuses, robots et tuning

Séduisant, mais pas encore au point, notamment pour des raisons de poids. En attendant, je suis toujours à pied et le cagnard se fait chaque seconde plus lourd. Butant presque sur une tondeuse solaire, j’envisage de m’en contenter, lorsqu’elle change de direction et reprend son ouvrage. Fichus robots… L’ombre du bord de la course me fera le plus grand bien. Là, enchaînant les tours à toute berzingue, les bolides me prouvent pourtant que ma quête n’est pas impossible.

Mes oreilles vagabondent : « L’hiver, je mets des résistances chauffantes sous mon siège. Mais l’été ça chauffe à ras du goudron », dit une voix. « Moi je pose les scooters qui font les malins au feu », rigole une autre. Bientôt, une troisième acolyte se joint à la conversation, au guidon d’un engin ressemblant plus à une Harley Davidson qu’à une petite reine. Ça discute contrôleurs, ampérage et aérodynamisme. Mon insolation m’a-t-elle transporté dans un club de tuning ? Non : je suis au milieu des adeptes du vélo horizontal. « On est tous un peu dans le même délire, on se retrouve sur un forum. Dario(l’adepte des résistances chauffantes, ndlr), c’est un peu notre maître à tous, il a customisé à fond son engin. C’est lui qui a commencé à mettre un panneau sur son tricycle », m’éclaire Sylvain Machefert, un candidat qui fait une pause au niveau de la ligne de départ.

Pichenette, têtes brûlées et zigzags

Illico, je saisis ma chance. Youpi, l’homme accepte de me laisser faire un tour de son « trike » électro-solaire. Casque vissé sur la tête, je m’installe aux commandes. Deux freins, un guidon, jusque-là rien d’anormal. Avoir les jambes horizontales pour pédaler, c’est déjà plus inhabituel. Et la petite molette actionnable sous mon pouce droit ? Une pichenette et mon bolide fait une embardée, heureusement sans conséquences. OK. J’actionne les gaz et m’élance.

Au ras de la piste, l’impression de vitesse est immédiate. Même sans les pédales – hors de portée de mes pieds – le module photovoltaïque me permet d’atteindre 30 km/h. D’un coup d’œil dans le rétro, j’aperçois une forme blanche passer le virage précédent : le Sunspeed des têtes brûlées picardes. J’ai juste le temps de me ranger avant d’observer cette merveille me doubler dans la ligne droite. Et dire qu’elle tourne depuis 5 heures sans une goutte d’essence ! Le circuit est court – 1,2 km – et après quelques derniers zigzags intérieur-extérieur, je dois rendre le trike. Ça valait bien un coup de soleil.


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