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Pervers Point Vert
jeudi, 10 mars 2005 / ponofob (illustration) , / Hélène Hesse

Flanqué sur la plupart des emballages en France le Point Vert trompe son monde. Il n’est pas la garantie que le produit sera recyclé, mais bien la preuve que le fabricant a versé sa part de l’éco-taxe. Une subtilité à l’origine de bien des débats.

Ni label d’emballage recyclable, ni instruction de tri. Né en Allemagne dans la foulée d’une directive européenne (1988), le "Point Vert" est aujourd’hui décliné dans une vingtaine de pays européens. En France, il revêt la forme d’une société privée - Eco-Emballages - agréée par l’Etat par périodes renouvelables, du fait de sa mission de service public : financer le traitement des déchets ménagers.

De fait, depuis 1992, le Point Vert - ce pictogramme présent sur 95% des emballages en France - est synonyme de taxe. Sur chaque emballage mis sur le marché [1], Eco-emballages prélève un "impôt" auprès des industriels concernés. Elle redistribue ensuite 90% de ce produit aux collectivités locales, qui constituent la cheville ouvrière du recyclage des déchets ménagers. Et en supportent le coût financier.

Système de plus en plus coûteux, recettes inchangées

Le volume d’ordures allant croissant, les coûts de collecte et de traitement suivent. Pourtant, les industriels sont parvenus, dans le cadre du ré-agrément d’Eco-Emballages négocié cette année [2], à maintenir inchangé le montant global de la taxe Point Vert. Et ce, en dépit du vote défavorable et unanime des élus de collectivités locales [3]. Bilan : le nouvel agrément devrait répartir à davantage de collectivités, une manne financière quasi équivalente. Ce qui devrait pénaliser les plus en pointe et bloquer celles qui se lancent. Selon Jean Révéreault, le président du Syndicat de valorisation des déchets ménagers de Charente cité par Recyclage Récupération Magazine, "On gère la pénurie. (...) Le risque est de déstabiliser une politique environnementale qui prenait son envol".

Les industriels font la sourde oreille

Lors des négociations, le rapport de force a clairement penché en faveur des industriels contre les élus. Après avoir réussi à conserver la mainmise sur la rédaction du nouvel agrément, les premiers ont d’ailleurs largement communiqué sur ce ré-agrément comme un fait acquis, dès lors que la commission consultative d’Eco-Emballages l’avait entériné le 9 avril. Les élus locaux ont donc multiplié les coups de gueule cet l’été, réclamant notamment un audit sur les barèmes de redistribution pour l’exercice 2006. Le Vert Yves Contassot va jusqu’à stigmatiser un système empêchant l’application du principe "pollueur-payeur", et réclame le remplacement d’Eco-Emballages par une agence publique indépendante. Une conciliation ministérielle sollicitée par des associations impliquant des élus (Centre national du Recyclage, Amorce), n’a pas permis de rabibocher ces derniers avec les industriels. Et Serge Lepeltier, ministre de l’Ecologie et du Développement durable, devrait parapher l’agrément dans les semaines qui viennent.

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