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Un ordinateur à planter
dimanche, 30 mai 2010 / Cécile Cazenave

Ashelvea, jeune entreprise du Tarn, a une hantise : le PC qui finit sa course dans les décharges des pays du Sud. Pour lui donner une fin digne et écolo, ses fondateurs ont inventé la carcasse d’ordinateur biodégradable.

Au bureau, votre PC est ralenti du bulbe. Il rame, il mouline, bref, la fin est proche. Et la déchetterie aussi. Sauf si votre boss l’a acheté à la jeune PME tarnaise Ashelvea. Leurs modèles Evolutis, commercialisés depuis janvier 2009, finiront en effet tous en carottes, en navets, voire en radis noirs. Car Evolutis est compostable. Sa coque en bioplastique d’amidon de maïs, une fois broyée en microgranules, est biodégradable à 100 %. Bon, il reste tout de même les entrailles de la bête. Mais chez Ashelvea, tout est prévu pour assurer une fin de vie la plus digne possible à ces ordinateurs entièrement made in France (ou presque).

L’idée vient de deux informaticiens, Hugo Sossah et Valentin Pineau, et a pris un an pour se concrétiser. « Aujourd’hui, l’informatique est jetable. Comment faire pour que les matériaux ne terminent pas en décharges dans les pays du Sud ? Il fallait penser à la fin de vie dès le début », se rappelle Hugo Sossah. Sans prétendre révolutionner l’usage ni la durée de vie de l’ordinateur, ils se mettent sur la piste des « composants les plus propres, donc les plus faciles et les moins chers à recycler ». Bois et aluminium sont éliminés : trop chers à produire. Pourquoi pas les bioplastiques, à base végétale, déjà utilisés pour la production de sacs ? Avec des plasturgistes toulousains, ils mettent au point la formule magique. La provenance des petits grains jaunes qui finiront moulés est tenue secrète, mais ils arrivent « en train », précise-t-on. Seuls les composants électroniques pèchent par excès de kilomètres. L’unité centrale vient d’Asie. « Si on faisait produire la carte-mère en France, elle atteindrait le prix d’un PC ! », justifie Hugo Sossah. L’ordinateur, vendu autour de 650 euros HT, est assemblé à Rodez (Aveyron), dans un centre d’aide par le travail. Aujourd’hui, la PME ne compte que trois personnes, fondateurs compris, mais en fait travailler 40 en Midi-Pyrénées.

Des cyber-unités à louer

Ashelvea a de la suite dans les idées. « En moyenne, la première utilisation dure trois ans, mais passé ce stade, l’ordinateur peut encore servir », insiste Hugo Sossah. Ashelvea prévoit donc de récupérer en 2012 les appareils vendus l’an dernier. Remis en état, ils seront regroupés au sein de « cyber-unités » et proposés à la location – au prix de 10 euros par mois environ – pour des cours à des personnes dépourvues de matériel et de connaissances informatiques. « C’est notre participation à la réduction de la fracture numérique », précise Hugo Sossah. Deux ans de plus, et l’ordi sera bon pour le compost. « Cette gestion du cycle de vie total exige que nous suivions à la trace nos ordinateurs : c’est impossible s’ils sont vendus à des particuliers. » Voilà pourquoi Evolutis – qui concourt à l’écolabel européen – n’est pour l’instant commercialisé qu’auprès des professionnels et sur commande. Ashelvea espère en fabriquer 5 000 cette année. Et limitera pour l’instant sa chaîne de production à 15 000, histoire de vérifier qu’il y a assez de potagers à alimenter. —

- le site d’Ashelvea