https://www.terraeco.net/spip.php?article10496
Dilemme : roses des Pays-Bas ou du Kenya ?
dimanche, 30 mai 2010 / Cécile Cazenave

Le « lover » a de quoi en perdre son latin : la fleur qu’il pensait 100 % batave est aujourd’hui souvent africaine. Mais laquelle l’amoureux de la planète doit-il choisir ?

Provenance

Pays-Bas : Le pays commercialise 3,5 milliards de tiges par an. Mais à peine plus d’un tiers poussent près des polders ! Le reste vient d’Afrique, dont la moitié du Kenya. Ce pays exporte chaque jour 500 tonnes de fleurs par voie aérienne vers l’Europe. Quand elle débarque à Rungis, la rose « néerlandaise » a donc de fortes chances d’être… kényane.

Kenya : Seule une petite partie des roses importées en France vient directement des producteurs kényans.

Bilan carbone

Pays-Bas : Le rosier a besoin de 20° C le jour. Les serres sont donc chauffées et éclairées 24 heures sur 24. Compte tenu de cette dépense énergétique, un chercheur de l’université britannique de Cranfield a montré, en 2007, que 12 000 roses, cultivées aux Pays-Bas et transportées à Londres, « émettaient » six fois plus de CO2 que la même quantité en provenance du Kenya. Soit près de 3 g de CO2 pour une rose néerlandaise contre 0,5 g pour une kényane. Depuis 1995, l’écolabel MPS (« Programme environnemental pour l’horticulture » en néerlandais) valide les efforts énergétiques des serres. Près de 3 000 producteurs y adhèrent.

Kenya : Températures idéales, ensoleillement optimal : il y fait bon vivre pour le rosier. Autant d’économies d’énergie qui compensent les émissions dues au transport : 6 500 km d’avion depuis Nairobi.

Eau   Pays-Bas : Le rosier est un gros buveur : 1 000 litres d’eau par an pour un mètre carré, soit entre 2,5 et 10 litres par rose, selon sa taille. A ceci, ajoutez engrais et pesticides, mais la législation européenne interdit les rejets d’effluents dans la nature.

Kenya : Ecologistes et scientifiques sont en alerte. Deux tiers des fermes sont installées aux abords du lac Naivasha. Même protégé par la convention Ramsar sur les zones humides, il serait en danger. En cause, les pollutions liées aux engrais et à l’extension de la zone, dont la population a été multipliée par 10 en trente ans.

Conditions de travail

Pays-Bas : L’Europe est stricte sur l’exposition des salariés aux pesticides. Equipement et temps d’attente – jusqu’à 48 heures – sont obligatoires avant d’entrer dans la serre après une vaporisation.

Kenya : Les ONG y sont particulièrement critiques sur les salaires, les droits des travailleurs et l’exposition aux produits chimiques. A peine plus de la moitié des fermes adhèrent à l’association « Kenya Flower Council » qui a rédigé un code de bonne conduite. Pour avoir le bouquet propre, il existe cependant des roses labellisées Max Havelaar : droit de réunion garanti, prime de développement versée par l’acheteur – 10 % en plus du prix d’achat –, et efforts environnementaux obligatoires. Des études d’impact de ces programmes sont en cours.

Achat

Pays-Bas : Chez le fleuriste, identifier la néerlandaise pure souche demeure un casse-tête. Quaak Fleurs, distributeur à Rungis, livre l’astuce : les grandes roses, à gros boutons, ont généralement poussé aux Pays-Bas. Elles quittent le grossiste à 1 euro la tige et peuvent atteindre plus de 6 euros en boutique. Kenya : Les petits boutons, vendus en bouquet, viendront probablement d’Afrique. Chez le grossiste, elles valent plutôt 20 centimes d’euro. Les roses labellisées équitables sont, elles, distribuées chez Truffaut, dans la grande distribution et chez certains indépendants. —


LE BILAN D’UN BOUQUET

Entre la gloutonne énergétique et la pollueuse de lac, nos cœurs balancent. On peut toujours demander si les roses proviennent d’une ferme labellisée « MPS » ou choisir des roses kényanes équitables. « Mais attention, la rose reste un produit écologiquement de luxe », prévient Nicolas Gauthy, de Max Havelaar. Alors ne vaut-il pas mieux chaparder un bouton dans le jardin du voisin ?

AUTRES IMAGES

JPEG - 64 ko
450 x 301 pixels

JPEG - 64 ko
450 x 301 pixels