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Le thé passe à la bouilloire
dimanche, 30 mai 2010 / Karen Bastien /

Rédactrice en chef du magazine et des éditions papier de "Terra eco"

Produit fragile et millénaire, le thé craint les changements de température et de précipitations. Les pays producteurs se penchent déjà sur des reconversions de terres.

Il s’écoule aujourd’hui au rythme de 15 000 tasses par seconde. Le thé est la boisson la plus sirotée dans le monde, après l’eau. Selon une légende chinoise, tout aurait commencé en 2737 avant notre ère, quand des feuilles se seraient détachées d’un arbre pour tomber dans l’eau chaude de l’empereur. Plus de quatre mille sept cents ans plus tard, la production mondiale des fameux sachets est en passe d’être rebattue. La faute au changement climatique. C’est que le théier ne pousse pas n’importe où. Il lui faut un climat moite, un ensoleillement de cinq heures minimum par jour, une humidité de l’air entre 70 % et 90 %, des pluies abondantes et régulières toute l’année, des sols au pH acide (4,5 à 5,5) et bien drainés. S’il bénéficie de bonnes conditions de culture, il n’est pas surprenant de trouver des théiers jusqu’à 2 000 ou 2 500 m d’altitude. Mais une petite variation de température ou de précipitations, et c’est le chaos dans les plantations.

Pris à la gorge

Pour évaluer cet impact et s’y préparer, Cafédirect, société de commerce équitable, a travaillé pendant trois ans dans quatre pays producteurs de thé et de café : le Kenya, le Mexique, le Pérou et le Nicaragua. Son étude, publiée en 2009, montre que les planteurs de café et de thé de ces pays sont déjà contraints de déplacer leurs plantations vers des altitudes plus élevées – environ 3 à 4 m par an en moyenne – au fur et à mesure de l’augmentation de la température. Ceux-ci constatent également une augmentation des cas d’affections et de maladies dans leurs cultures. Les petits producteurs sont pris à la gorge, car ils ne peuvent investir dans de coûteux équipements d’irrigation. Selon Cafédirect, certains fermiers pourraient voir leurs revenus s’écrouler de 90 % dans les quinze prochaines années.

Au Kenya, premier exportateur mondial de thé depuis 1996, les terres rouges et le mont Cameroun produisent quelques-uns des grands crus de la planète comme le Marinyn et le Kéricho. L’influence du climat sur les plantations se lit avec évidence dans la dernière récolte : la production de thé y a plus que doublé en mars atteignant un volume de 39 200 tonnes contre 18 800 tonnes durant le même mois de 2009. Et tout ceci grâce aux bonnes précipitations. Pour s’adapter, Cafédirect propose donc aux agriculteurs de se diversifier. Au Kenya, ils se lancent dans les fruits de la passion ou les kiwis. Au Pérou, ils utilisent leurs terres pour commercialiser des crédits de carbone. —

- Le site de Cafédirect