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Rien n’empêche de faire plus et mieux que Max Havelaar
jeudi, 20 mai 2010
/ Tristan Lecomte (Alter Eco) / Né en 1973 à Reims (Marne), Tristan est diplômé de HEC. Il a fondé Alter Eco en 1998. En 2008 il lance Pur Projet. Tristan vit en Thaïlande près de Chiang Mai depuis 2010 et chronique pour Terra eco depuis 2009. |
Terra Eco m’a proposé de répondre à l’article de Christian Jacquiau, suite aux débats enflammés qu’il a suscités. Personnellement, je ne souhaite pas mettre d’huile sur le feu, juste donner ma vision et proposer d’utiliser sa critique pour dépasser les limites actuelles réelles du commerce équitable et l’aider à progresser.
A la différence de la consommation classique, le commerce équitable est un mouvement citoyen. Il doit donc accepter la critique en son sein, et y répondre de manière transparente et constructive. S’il n’y a plus prise en compte des avis critiques, alors ce sera vraiment la fin du commerce équitable.
Le mouvement du commerce équitable a besoin d’être ouvert à la critique mais pour évoluer, s’améliorer tout en restant uni face au marché, ne nous trompons pas de combat. Nous travaillons tous pour une même cause et aller jusqu’à remettre en cause la motivation profonde et sincère des équipes de Max Havelaar, de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou du Ministère qui s’est chargé de la mise en place de la Commission nationale du commerce équitable (CNCE) c’est aller beaucoup, beaucoup trop loin. Nous travaillons bien tous pour un même objectif d’amélioration des termes de l’échange pour les petits producteurs marginalisés dans le monde mais les sensibilités sont différentes d’un acteur à l’autre. Sachons nous respecter, c’est la base du commerce équitable !
Si on se place dans une perspective idéologique anticapitaliste, alors en effet allons tout casser : les multinationales, le marché… et Viva la revolución ! Mais c’est un combat politique d’une autre nature ! Dans « commerce équitable », il y a bien le mot commerce, mais pas le mot marxisme. Ne tombons pas dans la critique de tout, c’est trop facile, souvent très loin de la réalité et totalement stérile, alors qu’il faut tenter de construire pour avancer et trouver les complémentarités. Le monde en a trop besoin.
N’en déplaise à Monsieur Jacquiau, c’est lui qui participe le mieux au statu quo, via l’opposition du tout contre tout, et par là même à la défense des intérêts des multinationales ou à la frilosité de l’engagement de celles-ci au changement.
Il faut croire que le commerce équitable a réellement le pouvoir de changer le monde et de supplanter le commerce traditionnel à terme, éventuellement progressivement sur plusieurs générations, mais y croire. Et dans ce cas, il faut bien s’attaquer à tous les opérateurs économiques, y compris la grande distribution et les multinationales. Sinon, comment changer le monde ?
Ce n’est pas parce que les standards de Max Havelaar ou la définition de la CNCE sont insuffisants qu’il faut s’y limiter. Rien n’empêche un acteur économique de faire plus et mieux, ce sont juste des standards minimum qui ont le mérite d’exister. Mais on peut aller beaucoup plus loin, en apportant des garanties supplémentaires aux produits, en intégrant différentes composantes interdépendantes au commerce équitable (l’agriculture biologique, la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité…), en apportant plus que Max Havelaar. Max Havelaar n’est qu’une première étape, un bon début, mais il est clair que ce n’est qu’un début. Nous pouvons aller plus loin et c’est à mon sens ce message d’espoir et de confiance dans l’avenir du commerce équitable qu’il faut délivrer.