https://www.terraeco.net/spip.php?article10412
Le palmarès des plus petites retraites de France
mercredi, 19 mai 2010 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Pendant que les politiques s’écharpent sur l’avenir des retraites, « Terra eco » a choisi d’aller voir du côté des démunis de la pension. Qui sont-ils ? Et comment vivent-ils ?

Les retraités ? C’est bien connu, ils partent en croisière sur des navires majestueux, gâtent leurs petits-enfants et s’en vont vieillir au soleil. Du coup, quand on cherche à serrer les cordons de la bourse étatique, certains n’hésitent pas à secouer le hamac où les têtes grises se prélassent. Dans Le Monde, Olivier Ferrand, président de Terra Nova, le think tank du PS, suggère ainsi : « les retraités d’aujourd’hui doivent être mis à contribution ». En clair : il faut les taxer. Leurs pensions ? Elles sont grosso modo équivalentes aux salaires des actifs : 21 540 euros par an en moyenne contre 21 760 pour les travailleurs, soulignait en 2006 l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). Et si 12,4% des actifs traînent en dessous du seuil de pauvreté, seuls 10% des plus de 65 ans y zonent. Voilà pour les stats. Sur le terrain, l’image est un brin différente. Depuis deux ans, les associations tirent même la sonnette d’alarme : « Avant, les retraités représentaient 3 ou 4% de la population de nos centres, souligne Didier Piard, directeur de l’action sociale de la Croix rouge. Depuis deux ans, ils sont près de 10%. »

Mais pourquoi diable ces bataillons de seniors poussent-ils désormais la porte des assoces ? Peut-être parce que, revalorisé au fil des ans, le minimum retraite – allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) en langage de ministère – reste irrémédiablement coincé en dessous du seuil de pauvreté. Il atteint 708,95 euros pour une personne seule tandis que la pauvreté débute (au moins statistiquement) sous les 908 euros. Certes, le gouvernement l’a promis en 2007, l’Aspa sera augmenté de 25% d’ici à 2012. « Ça correspond à une augmentation de 5% par an et 5% de 700 euros, c’est 35 euros. Soit un peu plus de 1 euro par jour », relativise Bernard Schrike, directeur de l’action France et institutionnelle au Secours catholique.

Pendant ce temps, les produits de première nécessité : alimentation, chauffage, vêtements se payent des poussées inflationnistes. « Une fois le loyer et les charges payés, ça devient compliqué d’acheter des lunettes ou un vêtement. Et si la cuisinière tombe en panne c’est la fin des haricots », confie Jean-François Serres, secrétaire général des Petits frères des pauvres. Le logement ? Certes 70% des plus de 65 ans sont propriétaires. Mais un toit ne protège pas automatiquement des avaries quotidiennes. « Certains n’arrivent plus à faire face aux frais d’entretien et transforment leur logement en taudis. D’autres n’ont pas les moyens de faire les adaptations nécessaires à leur âge », poursuit Jean-François Serres.

Reste le spectre de la solitude. « Avec la perte du conjoint, des amis proches, les premières difficultés de mobilité, les plus âgés se replient sur eux. Certains ne sortent pas pendant des mois, ne vont plus chercher leurs droits. C’est par l’isolement qu’ils entrent dans la pauvreté », explique Jean-François Serres. Il y a enfin la multiplication des coûts liés à l’âge. « Les mutuelles pour les plus de 80 ans sont à des taux exorbitants, souligne Bernard Schricke. Et même pour les plus jeunes, la mutuelle grève souvent le budget. » Des difficultés à tous les étages pour ces 4% de plus de 60 ans bénéficiaire du minimum vieillesse. Mais qui remporte la palme des plus petites retraites ? Les nommés se divisent en 5 catégories qui parfois se chevauchent.


- Les parcours chaotiques :

Ceux-là ont eu une vie professionnelle en pointillé, séquencée par les accidents de la vie, jalonnée de périodes d’inactivité. C’est le cas de 64% des bénéficiaires du minimum vieillesse.

Retrouvez ici le témoignage de Danielle, 72 ans

- Les femmes :

A près de 60%, elles occupent majoritairement les rangs des retraités pauvres. A mesure que l’on grimpe la pyramide des âges (où elles trustent certes l’essentiel des places), elles écrasent même carrément les hommes, souligne un rapport de 2009. Conséquence d’une époque où les femmes travaillaient peu ou à des postes peu qualifiés pour lesquels elles ont souvent peu cotisé.

Retrouvez ici le témoignage de Paulette, 74 ans

- Les plus âgés :

A la course à la pauvreté, les plus âgés décrochent la coupe de l’amertume. Dans les rangs des bénéficiaires du minimum vieillesse, la moyenne d’âge est de 75,7 ans. Et plus d’un tiers ont plus de 80 ans.

Retrouvez ici le témoignage de Nadia, 82 ans

- Les agriculteurs :

Parmi les bénéficiaires du minimum vieillesse, ils sont prêts de 12% à avoir travaillé la terre et bûché à l’étable. En 2004, leur retraite s’élevait à 675 euros pour les hommes et 352 euros pour les femmes. En cause, des régimes peu généreux qui ont tardé à adopter un seuil minimum.

Retrouvez ici le témoignage de Robert, 71 ans, et Jean-Marie, 78 ans

- Les personnes isolées :

Veufs, célibataires, divorcés, ils n’ont qu’une source de revenu pour régler la facture de chauffage, l’essence ou le loyer. Et payent même parfois des pensions à leurs anciens conjoints. Ils représentent les trois quarts des bénéficiaires du minimum vieillesse en 2006.

- Et le gagnant est…

Au palmarès des retraités les plus pauvres, la palme est attribuée aux cumulards. Une femme de plus de 80 ans, veuve d’un agriculteur, ayant peu ou pas travaillé, a toutes les chances d’avoir du mal à joindre les deux bouts.

- Rapport de l’Insee sur les niveaux de vie
- Seuil de pauvreté défini par l’Insee
- Rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques de 2004
- Rapport du Conseil d’orientation des retraites