https://www.terraeco.net/spip.php?article10410
Fume, c’est de la forêt primaire !
mercredi, 19 mai 2010 / Serge Orru /

Directeur général du WWF France

La cigarette, ce n’est pas bon pour les poumons humains, on ne vous apprend rien. Mais pour les poumons de la planète, ce n’est pas mieux.

Quoi de plus insignifiant qu’un mégot de cigarette jeté nonchalamment ? Souvenez-vous de James Dean au cinéma. D’un geste de cow-boy, il est projeté on ne sait où, loin de soi. Un mégot, c’est rien mais 4 500 milliards ? C’est le nombre de mégots jetés chaque année dans le monde !

Désormais, chacun peut bannir ce geste qui pollue la nature ou risquera de provoquer l’incendie. Geste incivique et inconscient car l’objet du délit mettra deux ans, au bas mot, pour se dégrader. Pensez-y à la plage. Et en ville ? La sentence y est beaucoup moins lourde : à peine un regard accusateur. Et le fumeur ne se demande même pas où il pourrait soigneusement disposer son mégot ailleurs que sur le trottoir. Mais ce geste est révélateur de la société du jetable. Pourtant la ville est comme la nature, à respecter. L’écologie, c’est vivre ensemble entouré de vert ou de béton.

Remontons un peu le long de cette tige, de cette sèche, de cette clope, qui avant d’être fumée jusqu’au mégot a déjà provoqué quelques maux.

Sur notre santé ? Évidemment. Mais remontons encore plus loin. Dans les champs de tabac. La culture y est dopée à grands renforts d’engrais et de pesticides. Jusqu’à une tonne par hectare. Est-ce assez ? Que nenni ! Une fois récolté, le tabac sera séché. Comment ? La forêt si proche de la plantation fera bien l’affaire ! Pour un kilo de tabac, on brûlera 10 kilos de bois. Allez, fume, c’est de la forêt primaire ! Profites-en, c’est une des dernières. Ainsi chaque année, ce sont 200 000 hectares de forêt primaire, de poumon vert, qui sont ainsi réduits en cendres.

Alors au moment de jeter un mégot, pensez-y. Le bilan est déjà si désastreux que vous pouvez attendre le prochain cendrier ou dégainer celui que vous avez dans votre poche. La ville de Lyon a distribué 20 000 cendriers portables. De quoi aider à appliquer la loi puisque théoriquement jeter son mégot est interdit dans de nombreuses villes. Le forfait devrait coûter 183 euros à Paris et 1 000 dollars à Singapour (soit 582 euros).

J’ai repensé à tout cela après la lecture d’un excellent article dans Terra eco mais aussi et surtout lors d’un passage dans un aéroport : on peut acheter des cigarettes détaxées dans un lieu où l’on attend un avion qui vole avec un carburant détaxé lui aussi. Alors qui paie pour les dommages environnementaux et sociaux ? Il est temps de faire dire aux produits et services leur juste prix écologique !

Les messages préventifs et parfois morbides sur les paquets de cigarettes passent inaperçus. Les mots n’ont plus de sens, mais les maux environnementaux et sociaux, eux, sont bien réels. Alors à défaut d’arrêter de fumer, jette pas ton mégot, deviens un héros !