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Comment Cannes aurait pu tourner au vert
mardi, 11 mai 2010 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Cette année encore et sans surprise, le festival du film n’est pas franchement à la pointe en matière d’écologie. Voici les conseils de « Terra eco » pour éviter la palme de goudron en 2011.

On a trouvé le plan climat du festival de Cannes : « Depuis 2004, on n’envoie plus rien par courrier, les accréditations se font en ligne. Des poubelles de recyclage sont prévues pour les dossiers de presse, flyers etc. Quand les journalistes n’ont pas de casier de presse, on leur donne les dossiers en pdf », détaille Gérald Duchaussoy du service de presse. Mouais… un peu court. Mais après tout Juliette Binoche repeint Cannes en bleu, pas en vert, sur l’affiche de l’édition 2010 !

Pourquoi ne pas aller plus loin ? « Cannes, c’est multiple. Beaucoup de choses viennent se greffer dessus. Le cœur de métier de l’association (l’Association française du festival international du film qui organise Cannes, ndlr), c’est de projeter des films, justifie Gérald Duchaussoy. Rare effort : le transport : « Nous n’avons pas de véhicule spécifique et les professionnels comme les journalistes viennent par leurs propres moyens ».

« Ils doivent quand même être conscients qu’ils drainent 40 000 professionnels ! On ne peut plus rester seul dans son coin, c’est facile de dire “c’est pas nous”. Les Jeux olympiques pourraient aussi bien dire qu’ils n’obligent personne à venir, qu’ils font des compétitions sportives », s’emporte Dan-Antoine Blanc-Shapira, fondateur de l’agence de communication événementielle responsable Sensation !

Un sac à main en tapis rouge ?

Heureusement que l’hôte de Cannes 2010, le Palais des festivals, n’a pas attendu pour s’engager : diminution des consommations de papier, d’eau et d’énergie, produits de nettoyage écologiques, traitement des eaux usées, achats de produits locaux en priorité etc. Une des propositions de Dan-Antoine Blanc-Shapira – recycler les 13 tonnes de moquette du festival, dont le célèbre tapis rouge – est même déjà appliquée. Mais question visibilité, on peut mieux faire : « je pense que pas mal de monde voudrait s’offrir un sac à main fabriqué avec ce tissu où toutes les stars sont passées », lance-t-il.

Mais revenons au festival car « comme n’importe quel grand donneur d’ordre, il a un rôle incitatif évident », assure Thierry Boblet, directeur général de la société de conseil EO Développement. Par quoi pourrait-il commencer ? Par un auto-diagnostic environnemental pour les responsables d’événements (Adere) peut-être. Ce programme a été lancé récemment par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) avec plusieurs associations et organisations professionnelles. « Vous répondez à des questions simples avant, pendant et après votre manifestation. C’est un outil très accessible qui permet d’orienter vers des priorités d’action et de s’améliorer d’année en année », explique Marie Hervier de l’Ademe.

Pas besoin cependant de l’Adere pour savoir que le transport plombera un bilan programmé pour être colossal. Quelles pistes alors ? Consultant en développement durable, Mathieu Bergerot imagine « un système de navette entre les hôtels et le Palais pour fluidifier les déplacements ». Marie Hervier propose de travailler avec les sociétés de transport en commun locales « pour les rendre plus accessibles, par exemple via la gratuité ou des tarifs réduits ». Et pour les irréductibles de l’avion, « on peut au moins les inciter à compenser leur voyage », poursuit Mathieu Bergerot ou à « se tourner vers compagnies qui ont des avions moins consommateurs », avance Thierry Boblet.

Caviar provençal et champagne light

Plus symboliquement, « pourquoi ne pas imaginer une montée des marches du Palais avec des personnalités qui arriveraient dans des véhicules hybrides, voire demander aux plus audacieux d’entre eux de venir en vélo ou triporteur ? », interroge Mathieu Bergerot. Demander à Scarlett Johansson d’enfourcher un vélo, vous n’y pensez pas ! « Aux Etats-Unis, vous avez de nombreuses personnalités très engagées comme Brad Pitt ou Susan Sarandon. Je pense que les acteurs seront heureux de sensibiliser à cette problématique », estime Dan-Antoine Blanc-Shapira.

Autre point noir prévisible : la restauration. Le festival reste sur la même ligne : « A part le diner officiel et le diner « Gilles Jacob », on ne s’occupe pas du tout d’alimentation. Il faudrait appeler les hôtels et les restaurants et les boîtes de nuit parisiennes qui organisent de nombreuses soirées ». Voici en tout cas la recette de Mathieu Bergerot : « limiter la vaisselle jetable ou à défaut prendre des assiettes compostables. Privilégier une alimentation bio de proximité. La diversité de la filière dans la région est à même de répondre à la demande. En profiter pour faire découvrir aux festivaliers les saveurs locales, en remplaçant le caviar par la poutargue dit caviar provençal. » Cerise sur le gâteau : des bouteilles de champagnes plus légères pour limiter le bilan carbone sans oublier les paillettes cannoises.

Qu’est-ce qui freine alors, si on peut même trinquer plus léger ? « J’ai toujours considéré qu’il y avait quelques ghettos culturels comme le cinéma et la mode. Ce serait bien qu’ils aèrent un peu et qu’ils voient ce qui se passe dans le monde », commente Dan-Antoine Blanc-Shapira. Serait-ce l’explication ? Le Centre international de Deauville, organisateur du Festival du film américain, réalise pourtant actuellement un bilan carbone. Plus près de Cannes, le festival d’Avignon et le Festival international du film d’Aubagne (Fifa) ont répondu à l’appel à projet régional Agir, qui permet de financer 85% des études préliminaires et 100% des actions. Cannes l’a soigneusement ignoré. Un dernier conseil signé justement de la déléguée générale du Fifa Gaëlle Milbeau : « On envisage un écolabel pour inciter les festivaliers à aller dans les restaurants partenaires qui s’engagent ». Si avec ça le tapis n’est pas vert l’année prochaine…

- L’éco-charte des professionnels de l’événementiel


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