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« L’ambition écologique du gouvernement a régressé »
mercredi, 5 mai 2010 / Julien Kostrèche

Grenelle 2 évidemment, taxe carbone, éolien, nucléaire et nouveau projet social-écologique du PS : c’était le menu de la conférence de presse qu’a tenue ce mercredi Laurence Rossignol, secrétaire nationale à l’environnement du parti, et son adjoint Philippe Martin.

Terra eco : Le PS avait voté en faveur du Grenelle 1, il s’apprête à voter contre le Grenelle 2 pourtant présenté comme l’indispensable « boîte à outils » du premier texte. Pourquoi ce revirement ?

Laurence Rossignol : « Le PS a déjà voté contre le rapport en commission du Grenelle 2, car il présentait un grand nombres de régressions, notamment sur l’éolien. A l’époque du Grenelle 1, il y avait une méthode nouvelle, de l’ambition, et nous voulions aussi donner un signe fort pour peser sur la Conférence de Copenhague qui allait se présenter. Là, depuis les régionales, et même avant avec les premiers sondages pré-électoraux, on observe un changement de ton que la petite phrase - « l’environnement, ça commence à bien faire » [1] - lâchée par Nicolas Sarkozy au Salon de l’agriculture résume bien. Le chef de l’État avait fait de l’écologie une marotte, un sujet qu’il maniait avec habileté et des arrières-pensées électorales Mais ça n’a pas marché. Et les députés UMP qui n’y ont jamais vraiment cru ne veulent maintenant plus en entendre parler. »

Sur un texte qui comporte quelque 250 articles, il n’y a aucune mesure qui trouve grâce à vos yeux ?

« Si, les normes énergétiques sur les bâtiments sont une avancée par exemple. On votera certains articles. On verra en fonction des amendements retenus. Rien n’est exclu. Mais on votera contre le texte global. Le climat écolo-sceptique ambiant, l’électoralisme, la résistance de la base de l’UMP et la crise économique ont fait régresser l’ambition écologique du Grenelle. »

L’opposition du PS sur la taxe carbone n’a-t-elle pas aussi fait régresser l’ambition écologique ? Ne regrettez-vous pas de l’avoir torpillée à ce point, avec le risque qu’elle ne refasse jamais surface ?

« Non, on ne regrette pas notre opposition à cette taxe. Nous sommes pour une Contribution énergie-climat qui tienne compte des niveaux de revenus des Français. Et nous voulons développer la fiscalité verte, en modulant aussi la TVA sur certains produits. Mais pour nous, la fiscalité verte n’est pas dissociable d’une réforme fiscale plus large et plus juste. C’est la grande erreur commise par le gouvernement actuel que de ne pas avoir compris cela. »

Revenons sur les éoliennes, un des sujets les plus emblématiques des renoncements que vous reprochez à la droite. Comment percevez-vous l’opposition de certaines associations environnementales ou de riverains au développement de ce qu’elles appellent « l’éolien industriel » ?

« Sur les éoliennes, il faut voir au cas par cas. Il y a des endroits où les installer à moins de 500 mètres des habitations peut poser problème, d’autres pas. Vous savez, toute cela est très subjectif. Certains trouvent ces installations très belles, d’autres très moches. En Picardie [2], nous avons multiplié par 20 l’éolien en l’espace de quatre ans, et je n’ai personnellement pas l’impression que ça dénature le paysage… Plus que des nuisances réelles, je crois que c’est le rapport à la terre qui peut expliquer ce rejet. Contrairement au travail, sous-valorisé, le foncier est devenu une valeur refuge, synonyme de protection pour beaucoup de gens. Posséder des terres ou une maison est souvent le seul capital. Tout ce qui peut dénaturer ou dévaloriser ce capital est perçu comme une menace. Il en va des éoliennes comme des déchetteries. Les gens ne sont pas contre en soi, mais ils n’en veulent pas près de chez eux. Ce qui me surprend quand même dans ce débat, c’est que je n’ai jamais entendu autant d’opposition, vu autant de propagande ou de harcèlement contre d’autres types d’infrastructures, comme les lignes à hautes tension ou les échangeurs autoroutiers… Les lobbys nucléaire et pétrolier n’y sont pas étrangers. »

Le nucléaire, justement. Jugé « inévitable » dans la première version du nouveau projet du PS [3] , il est maintenant précisé [4] qu’il faudra « réduire sa part progressivement ». Dans quelle proportion ?

« Sur le nucléaire, je vous le dis franchement, on n’est pas au bout de notre réflexion. Mais on y réfléchit autrement que dans la seule perspective de décrocher un accord avec les Verts en 2012, accord qu’on risquerait de traîner comme un bout de sparadrap toute la durée du mandat. Notre ambition est d’arriver à un bon mix énergétique qui permette de tenir les engagements de la France en matière de réduction des émissions de CO2. Mais on est aussi capables de faire des choix forts sur le nucléaire. C’est quand même les socialistes qui ont arrêté Superphénix. »

Par rapport aux précédents projets spécialistes, qu’est-ce qui vous paraît nouveau dans le modèle économique, social et écologique aujourd’hui envisagé par le PS ?

« Au PS, le travail se fait patiemment, ça se construit. Le texte qui a été présenté lors de la Convention nationale [5] a été beaucoup discuté mais peu contesté. Il est pourtant très novateur. Preuve que l’ouverture d’esprit est là. Pour la première fois, on opte pour une croissance saine, sélective et durable. On est prêts à sortir de la société du jetable, à se séparer de la mauvaise consommation comme de la mauvaise graisse. On parle de sobriété, notamment sur le plan énergétique. Alors que la vision de l’UMP se limite à développer le capitalisme vert pour remplacer le capitalisme fossile. Nous, on voit à long terme, on va beaucoup plus loin. »

- Photo : Philippe Grangeaud / Solfé communications