La guerre économique est aussi une guerre de mots. M.Bébéar, fondateur du groupe d’assurances Axa [1] et patron de l’Institut Montaigne [2], a affirmé lors d’un forum au Japon que la Chine est un pays promis "à beaucoup d’ennuis". "Les Chinois sont très nationalistes. Ils veulent que nous leur apportions des technologies, et après ça je ne suis pas sûr qu’ils veuillent continuer à faire des affaires avec nous. (...) Ils veulent conquérir le monde, ils ne veulent pas jouer avec nous". [3]
Explication : aucune grande entreprise ne veut se priver de faire du commerce avec un pays-continent de plus d’1,3 milliard de consommateurs potentiels. Mais la Chine et ses grandes entreprises excellent dans l’art d’obtenir des transferts de technologies de la part de leur partenaires occidentaux : "je t’ouvre mon marché, en échange de quoi tu me livres tes recettes de fabrication". Illustration récente avec Airbus, dont les commandes ont été décrochées à la condition d’installer une chaîne d’assemblage d’avions sur le sol chinois.
Cette "fâcheuse tendance" de la Chine à défendre son bout de gras inquiète M.Bébéar. Pour la première fois, le fondateur d’une multinationale soulève donc en public une inquiétude partagée par plusieurs grands patrons : les Chinois ont non seulement des velléités de conquête du monde mais encore une capacité à nous imposer "leurs" règles. Qui ne sont pas "les" règles du jeu "habituelles".
L’histoire est riche d’empires, triomphants un jour, déchus le lendemain. Les superpuissances occidentales ont fixé - parfois dicté - les règles du commerce pendant des siècles : de la conquête des Amériques par une puissance espagnole assoiffée d’or, à la conquête des marchés de pays émergents par "nos" multinationales, aujourd’hui. Jamais ce fait ne nous est apparu problématique. Cette fois, la "cible" est coriace et n’entend pas se laisser faire. Nous allons peut-être perdre cette partie. Mais est-ce vraiment si problématique, M.Bébéar ?
* Walter Bouvais est directeur de la publication de Terra Economica
[1] dont il occupe aujourd’hui la présidence du conseil de surveillance
[2] centre de réflexion financé, entre autres, par des entreprises multinationales françaises
Je voudrais d’abord réagir sur ce titre provocateur.
Les entreprises ont pour but le profit, pour ça elles doivent être compétitives. Certaines choisissent l’option de la délocalisation en Chine, pour réduire les coûts de main d’oeuvre. Mais dans ce cas comme vous le dites si bien, il leur faut amener le savoir-faire là-bas.
L’objectif c’est de gagner sur tous les tableaux, ce n’est donc pas être mauvais perdants que de s’inquiéter des contreparties.
Sur le fond, je dirais que les Chinois sont passés maîtres dans l’art de l’espionnage industriel en suivant l’exemple du Japon, à qui ça a bien profité. Par exemple il y a régulièrement des cas d’étudiant(e)s chinois(es) qui viennent faire une thèse en France mais sont payés par leur gouvernement pour espionner. Mais maintenant ils n’ont même plus besoin de se demander comment nous voler notre savoir-faire, on leur donne nous-même.
Je trouve que c’est un jeu très dangereux, un beau jour on va se réveiller en n’ayant plus qu’à pleurer sur notre sort parce qu’ils n’auront plus besoin de nous.
Les Français sont-ils mauvais joueurs ?