Les dégâts occasionnés par la violente tempête qui a touché la France ce week-end sont le fruit de la conjonction - a priori rare - de plusieurs phénomènes. Mais avec l’élévation du niveau de la mer, de telles catastrophes seront-elles plus fréquentes ? Question posée à Michel Galliot, chargé de mission indicateurs à Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC).
Terra eco : quels sont les enseignements à tirer de cette catastrophe ?
Michel Galliot : "Bien sûr ce n’est pas sur un événement que l’on peut tabler sur un réchauffement du climat. En revanche les effets de la tempête de ce week-end correspondent bien à ce que l’on peut attendre d’une élévation du niveau de la mer, qui se fera progressivement, mais sera sensible au moment de fortes tempêtes. Quand on partira d’un niveau moyen déjà plus élevé de peut-être 50 cm ou 1 m, par un effet de seuil les vagues passeront au-dessus des protections. C’est vraiment une illustration de ce qui pourrait se passer avec les changements climatiques à la fin du siècle."
Quel est le coût estimé de cette élévation du niveau de la mer ?
"Pour le Languedoc-Roussillon, on a calculé qu’une élévation d’1 m affecterait 140 000 logements et que cela coûterait entre 15 et 35 milliards d’euros s’il fallait les déplacer. Certains auraient les pieds dans l’eau en permanence et d’autres seraient immergés en cas de forte tempête alors qu’ils sont actuellement à l’abri. Mais sinon, nous n’avons pas une cartographie des installations qui seraient touchées et cela fait partie des choses identifiées pendant le Grenelle de la Mer. On a des données très générales, mais on manque de connaissances quand on en arrive aux mesures nécessaires, qui sont très liées aux territoires."
Sommes-nous en retard dans ce domaine ?
"On a sans doute un petit peu de temps avant de prendre des mesures mais on doit enclencher dès maintenant la réflexion. C’est d’ailleurs le sens du plan national d’adaptation au changement climatique qui sera lancé en 2011 ainsi que des schémas régionaux "climat air énergie" et des plans climat territoriaux prévus dans la loi Grenelle II. Un programme de cartographie à l’échelle d’un département peut se faire en deux ans, et je pense que d’ici 2012 on aura beaucoup de données. Pour les zones touchées c’est l’occasion de rajouter cet élément là. Ce serait vraiment dommage de se dire "on continue comme avant sur la base du climat actuel" ! Sachant que cette réflexion coûte moins cher que les mesures qu’il faudra rajouter dans vingt ou trente ans..."
Quelles sont les solutions possibles ?
"Tout d’abord arrêter de construire en zone inondable. C’est admis par tout le monde mais sur le terrain c’est beaucoup plus difficile, notamment à cause des pressions économiques. Ensuite ce sera un ensemble de solutions, comme la protection par des digues ou des systèmes d’évacuation des eaux, des maisons sur pilotis ou des systèmes flottants. Mais ceux-ci sont quand même plus coûteux, ce qui pose la question du financement. La technique aidera, mais elle ne pourra pas tout et le retrait sera souvent moins cher. Il faudra prendre des décisions difficiles et il y a un gros travail au niveau de la population."
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Photo : Olivier Enard