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J’ai testé : l’achat collectif
dimanche, 28 février 2010 / Laure Noualhat /

Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

Acquérir une voiture entre copains ou une machine à laver entre voisins, en voilà de riches idées. Sauf si la bérézina pointe son nez.

Parfois, petit scarabée, il faut bien l’avouer : on foire son test. Celui de la mutualisation figure au panthéon de mes fiascos. Mais comme dirait l’autre, « c’est pas que d’ma faute à moi ». Un hiver de déprime, j’ai proposé à deux couples d’amis de partager une voiture. Alourdis par de toutes fraîches naissances, ils désiraient s’offrir de quoi « trimballer les lits parapluie ». La pratique d’un usage mutualisé, des coûts moindres et un soupçon de curiosité les ont donc intrigués. S’offrir une voiture à six, tout le monde a dit « Banco ! ». Deux apéros plus tard, nous voilà en train d’élaborer une répartition – équitable cela va de soi – dudit véhicule sur 52 semaines, puis d’échafauder d’improbables scenarii allant du « Je pars en Iran en bagnole » au « J’ai prêté la caisse à mon cousin épileptique ». Nous avons tricoté ensemble plusieurs films, rayé virtuellement la carrosserie dix fois, accumulé trois prunes hebdomadaires, embouti deux 33 tonnes…

Inventer des règles communes s’est pourtant avéré poilant. Nous avons ainsi prévu une punition « choucroute » : en cas de casse, le fautif paie les réparations bien sûr, mais il offre aussi sa saucisse pour se faire pardonner d’avoir immobilisé le véhicule. Nous avons convoqué l’impitoyable loi du « bourre et bourre et ratatam » pour désigner les bénéficiaires du véhicule lors des très convoités week-ends de mai. Sans compter « la bourse à la semaine qui tue », celle de Noël par exemple, où Titine s’avère indispensable pour passer de la bûche de beau-papa à la dinde de maman… Hélas, les potes ne plaisantent pas avec la caisse. Chez les copains A, seul l’usage dysfonctionnel était envisagé (qui paiera les malus ?). Chez les copains B, l’angoisse de ne pas disposer de la chignole à loisir l’emportait sur le partage. Ainsi, les discussions révélaient notre intime rapport à la voiture, sûrement inscrit en nous depuis le jour où nous avons mouillé notre premier siège bébé. C’est alors que j’ai réalisé où ça clochait : la trouille mêlée à un manque de confiance. La voiture n’appartenant à personne, qui s’occuperait de l’entretien ? Dans quel état allions-nous la laisser ? « Comme Laure qui a embouti un vieux il y a dix ans, elle va tout faire capoter… », a même susurré un faux ami.

Chaussettes orphelines

Je n’ai pas jeté l’éponge. Mais changé mon fusil d’épaule en me lançant dans le « lessive-partage ». Etait-ce la nostalgie des années campus où je partageais avec 30 comparses trois robustes Miele dans lesquelles se nouaient amoureusement culottes essorées et chaussettes orphelines ? Ce n’est en tout cas pas la même nostalgie qui a étreint les voisins quand j’ai proposé de descendre trois machines dans ma cave. « A quoi ça sert puisqu’on a déjà une machine chez nous ? », m’a demandé l’abrutie du second. Accessoirement, on aurait pu faire des économies d’eau et d’électricité, gagner de l’espace, etc. Après tout, une machine à laver s’ennuie tout de même six jours sur sept. J’en ai conclu que les cerveaux français n’étaient pas – encore – configurés pour le partage. —

Illustration : Adrien Albert

- Le site de Caisse commune

- Le site de Mobizen

- Le site d’Okigo

- Le site de France Auto Partage

- Le site de Carbox, pour les entreprises.