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Nanotechnologies : maxi menace sur la planète ?
mardi, 23 février 2010
/ Rafaële Brillaud
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Saviez-vous que la France était déjà le paradis européen des nanotechnologies ? Que vous en croisiez tous les jours : dans votre dentifrice, votre crème solaire ou certains de vos vêtements ? Plongée dans un monde suscitant autant d’espoirs que de craintes.
Il s’agit du premier grand naufrage du Grenelle de l’environnement. Le débat public sur les nanotechnologies s’est conclu en catimini ! Les quatre dernières réunions se sont en effet tenues à huis clos et sur invitation seulement. Le public, lui, n’a pu se manifester que par le biais d’un formulaire en ligne. Depuis son lancement en octobre 2009 et son tour de France en 17 villes, cette initiative gouvernementale est allée de mal en pis. Rencontres annulées au dernier moment, échanges par téléphones interposés dans deux pièces séparées, retrait de l’ONG Les Amis de la Terre à mi-parcours dénonçant un « simulacre de débat »… On est loin de l’ambition originelle qui visait à informer et recueillir l’opinion des citoyens sur les nanotechnologies.
Mais de quoi parle-t-on au juste ? De manière simplifiée, les nanosciences renvoient à tout ce qui est de l’échelle du nanomètre (nm en abrégé), soit un milliardième de mètre. Vous voyez un cheveu ? Et bien, il représente déjà 100 000 nm de diamètre. Les virus mesurent, eux, quelques dizaines de nanomètres seulement. Comment ces nouvelles technologies de l’infiniment petit ont-elles pu créer un bug aussi maxi ? C’est que la France abrite sur son territoire à la fois ses plus fervents défenseurs et ses plus inflexibles détracteurs. La ville de Grenoble est devenue le paradis européen des nanotechnologies. Sur le campus Minatec, fondé en 2006 par le CEA (Commissariat à l’énergie atomique), l’Institut national polytechnique de Grenoble et les collectivités locales, plus de 4 000 chercheurs, étudiants et industriels s’activent aujourd’hui dans des infrastructures haut de gamme : 10 000 m2 de salles blanches où l’air est filtré pour maîtriser la concentration de particules. Mais c’est également dans la capitale de l’Isère que siège le collectif Pièces et main d’œuvre (PMO), fer de lance de la contestation anti-nano. Pour PMO, avec ce débat public, l’Etat « veut à tout prix éviter le syndrome OGM », c’est-à-dire « un rejet par l’opinion d’une révolution technologique ». Afin d’y voir plus clair, Terra eco a sorti son microscope à effet tunnel.
3/ Que peuvent-elles nous apporter ?
Le champ des possibles est immense. Car à l’échelle du nanomètre, la matière présente des propriétés physique et chimique particulières. Un nano-objet peut se révéler plus réactif chimiquement que son alter ego de taille microscopique. Il peut aussi présenter une plus grande résistance mécanique ou une conductivité plus importante. Un béton nanostructuré sèche ainsi trois fois plus vite qu’un béton ordinaire. Une raquette de tennis renforcée de nanotubes de carbone est plus légère, plus souple et plus solide. Les ordinateurs pourraient aussi voir leurs performances décoller avec l’amélioration du traitement et du stockage de l’information. En médecine, on pourrait diagnostiquer et soigner un malade en agissant directement sur les briques du vivant grâce à des nano-objets de même taille. « Dans une optique de développement durable, on imagine la multiplication de procédés non agressifs pour l’homme et l’environnement, par exemple sans solvant dangereux, sans température ou pression excessive. Mais aussi, la création de matériaux recyclables ou capables de “ disparaître ” dans l’environnement sans générer de pollution », détaillent Louis Laurent et Jean-Claude Petit, deux chercheurs du CEA.
5/ Quels enjeux économiques représentent-elles ?
Elles sont au cœur d’une intense compétition internationale. En 2006, l’Europe y a consacré pas moins de 530 millions d’euros, bien loin certes derrière les Etats-Unis qui y ont affecté plus d’1,2 milliard d’euros. La France – au 5e rang mondial en nombre de publications scientifiques dans ce domaine – a lancé, en mai 2009, le plan Nano-Innov doté de 70 millions d’euros pour 2009. Vers 2010-2015, les nanotechnologies pourraient représenter un marché mondial de l’ordre de 1 000 milliards d’euros par an et engendrer l’emploi direct de plus de 2 millions de personnes.
6/ Faut-il en avoir peur ?
A peine les promesses des nanotechnologies ont-elles été formulées que de terrifiants périls furent prophétisés. Dans son livre Engines of Creation (« Les moteurs de la création », ndlr), publié en 1986, l’ingénieur américain Eric Drexler imagine des nanomachines capables de se reproduire elles-mêmes, de mimer le vivant. Suite à cette prolifération incontrôlée de nano- robots, un essaim de machines devenues autonomes – une « gelée grise » – dévorerait tout, y compris les humains et la croûte terrestre, pour se reproduire et se multiplier. Cela s’est déjà produit sur Terre avec l’apparition de la vie et la colonisation de la planète par des organismes vivants qui ont altéré les roches et modifié l’atmosphère. Vendeur, ce scenario est cependant jugé globalement irréaliste à l’heure actuelle. En revanche, les nanotechnologies seront très probablement employées pour surveiller, partout et en tout temps, aussi bien les personnes que les objets. Ces dispositifs invisibles peuvent aussi bien aider un industriel à gérer ses stocks, suivre des prisonniers incarcérés « à domicile » ou encore assurer la sécurité de personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. De telles pratiques soulèvent de lourdes questions éthiques et mobilisent des organismes comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
(1) Estimation datant de 2007.
Le dossier du CNRS « Nanotechno-logies et santé »
Le site du débat public national
Le site de l’association Vivagora
Le site du collectif collectif Pièces et main d’œuvre
Les nano-technologies, Dominique Vinck (Le cavalier bleu, coll. Idées reçues, 2009).
Nanosciences : la révolution invisible, Christian Joachim et Laurence Plévert (Seuil, 2008).
Les nano-technologies doivent-elles nous faire peur ?, Louis Laurent et Jean-Claude Petit (Le pommier, 2005).