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Il rêve de laisser son empreinte
dimanche, 31 janvier 2010
/ Anne Sengès / Correspondante de « Terra eco » en Californie, Anne Sengès est l’auteur de « Eco-Tech : moteurs de la croissance verte en Californie et en France », paru en novembre 2009 aux éditions Autrement. |
L’homme qui a fait comprendre aux Occidentaux qu’ils « consommaient » plusieurs planètes, c’est lui. Rencontre avec Mathis Wackernagel, l’inventeur de l’« empreinte écologique ».
Une gare parisienne en 2004. Thanh Nghiem, consultante pour le WWF, vient chercher un homme qu’elle considère comme une sommité. Il débarque de Suisse, dont il est originaire, même s’il a quitté le pays d’Heidi, la gentille orpheline, pour celui du plus féroce Oncle Sam. Elle imagine « un vieux bonhomme à la barbe grisonnante ». Mathis Wackernagel, l’homme en question, est un chercheur respecté. Au début des années 1990, il a co-inventé l’« empreinte écologique », un indicateur de croissance qui calcule la surface de terre et d’eau nécessaires à une population pour produire les ressources qu’elle consomme et dégrader les déchets qu’elle engendre. Une sorte de relevé bancaire qui indique si nous vivons dans la limite de notre budget écologique ou pas. Le Global Footprint Network, club de réflexion qu’il a fondé en 2003, milite pour que cet indicateur chasse de son piédestal le Produit intérieur brut (PIB), auquel il reproche d’ignorer l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. Or, si tout le monde consommait à la manière des Américains, 5 planètes supplémentaires – 3 pour les Français – seraient indispensables.
Le train se vide. Nulle sommité à l’horizon. Reste un homme, plutôt jeune, qui arpente le quai de la gare avec, pour tout bagage, un sac plastique, deux bouteilles d’eau et un sandwich. « C’est quand même pas lui ! », se dit Thanh Nghiem. Il s’agit pourtant de l’homme qui a propulsé l’empreinte écologique, son sujet de thèse de doctorat de planification urbaine (1), sur le devant de la scène. « Mathis était un jeune homme brillant, avec un don pour les chiffres (il est ingénieur de formation, ndlr), mais animé d’une passion pour l’écologie », raconte William Rees, son directeur de thèse, cocréateur de l’empreinte écologique. « Il possède à la fois la simplicité des grands hommes et cette capacité à faire passer des messages d’une manière très ludique », assure Thanh Nghiem, qui voue à Mathis Wackernagel, depuis cette rencontre, une amitié sans faille.
Quand on lui demande d’où lui vient sa conscience verte, il cite la ferme de son grand-père où, petit, il trayait les vaches. Et surtout la publication en 1972 du rapport sur les limites de la croissance que lui met entre les mains son ingénieur de père. Rédigé par des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) pour le Club de Rome, ce document annonce un prochain épuisement des ressources naturelles. Le jeune Mathis prend alors conscience qu’il vit dans un monde en danger. Adolescent, il refuse obstinément de porter de nouveaux vêtements. « Au point de se rendre au lycée à vélo affublé d’un vieux pantalon de son père », se souvient sa mère. Aujourd’hui, l’homme a troqué ses fripes contre des costumes dans lesquels il passe de longues journées à tenter de convaincre les dirigeants du monde entier d’adopter l’empreinte écologique comme outil d’aide à la décision stratégique et politique.
(1) Obtenu au Canada à l’université de British Columbia à Vancouver.
1994 Thèse de doctorat sur l’empreinte écologique
2000 Premier rapport « Planète vivante » avec le WWF qui se base sur l’empreinte écologique
2001 Naissance de son fils André
2009 L’Equateur se fixe comme objectif d’annuler son déficit écologique d’ici à 2013
Son geste vert Adolescent, il a fourni à son lycée sa première poubelle de recyclage.
Photo : Gilles Mingasson pour « Terra eco »