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Fournisseurs d’électricité verte : attention aux mirages
mardi, 8 décembre 2009
/ Julien Vinzent / Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco. |
Depuis l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie, les fournisseurs alternatifs rivalisent d’arguments, en particulier écologiques. Pour s’y retrouver, le médiateur de l’énergie a lancé un comparateur en ligne à grand renfort de communication. Mais il faut plus qu’un tableau pour comprendre le monde bien particulier de l’électricité.
Ça y est, vous avez souscrit à une offre "100% électricité verte". Quel bonheur de s’éclairer à l’énergie renouvelable ! Sauf qu’il y a un hic : "c’est la même électricité qui est livrée à tous les clients raccordés au réseau électrique français, quels que soient le fournisseur et le type d’offres", explique le site Energie Infos, mis en place fin octobre par le médiateur national de l’énergie. "Si vous êtes sous un contrat prétendument énergies renouvelables et que vous branchez votre aspirateur à 19 heures en pleine pointe de consommation, vous serez alimenté par des centrales au charbon", résume Nadine Levratto, économiste à l’université Paris X.
Cette précision faite, à l’autre bout de la ligne, est-ce bien vert ? Pas forcément. Pour bien comprendre, suivons à la trace le parcours de l’électricité « verte ». Quelque part en Europe, une éolienne tourne et injecte des électrons sur le réseau. Là, pas de chichi, ils se mélangent allègrement avec leurs collègues issus des centrales hydrauliques, nucléaires ou à charbon. Seul le propriétaire de l’éolienne sait donc combien d’électrons verts il a produit à la source. Imaginons que vous consommez dans l’année 1 000 kWh (1 MWh) - oui vous êtes très économe. En toute logique, votre fournisseur doit donc avoir produit cette quantité d’énergie avec ses propres éoliennes ou l’avoir achetée à quelqu’un qui en possède. Ce qui sort votre prise n’est pas très propre, mais au moins vous vous dites que du côté de votre fournisseur, les emplettes correspondent à du 100% renouvelable.
Comment ce tour de passe-passe est-il possible ? Un certificat vert permet à un producteur, qui n’est pas lié spécifiquement à un fournisseur et vend son électricité sur le marché de gros européen,de prouver qu’il a bien injecté sur le réseau 1 MWh "vert". Cette attestation rentre alors dans un marché parallèle et peut être vendue de manière totalement déconnectée de l’électricité réelle à laquelle il correspond.
C’est là qu’intervient votre fournisseur : en réponse à votre MWh, il "achète ou produit de l’électricité « standard » et la revend à ses clients avec en complément un certificat vert", explique Energies Infos. En détruisant ce dernier, il réserve ainsi en quelque sorte le MWh d’électricité verte correspondant, qui ne peut plus être revendiqué par quelqu’un d’autre. Vous l’avez "consommé", virtuellement.
Certes, il fournit un revenu supplémentaire, et donc une incitation, aux producteurs d’énergies de ce type. Mais il s’agit souvent de propriétaires de barrages, "qui est une technologie largement amortie et parmi les plus rentables", précise de son côté Greenpeace. "Avec les offres basées sur des certificats verts, je ne contribue que marginalement au surcoût de production de l’électricité « verte ». En effet, les installations de production correspondantes bénéficient également, en général, du dispositif d’obligation d’achat", confirme Energies Infos.
Le vrai moteur est là : pour soutenir le développement de ces filières, EDF doit acheter l’électricité renouvelable, à un tarif très avantageux. Pour les panneaux solaires, il atteint 600€/MWh contre 45€/MWh en moyenne pour l’électricité "standard" sur le marché européen. Ne vous inquiétez pas pour EDF : ce sont les consommateurs (d’EDF comme des autres fournisseurs) qui financent cette différence, via la Contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui apparaît au bas de leur facture et est reversée au groupe. Ce qui n’empêche pas un producteur de vendre en parallèle un certificat vert et donc de faire payer une deuxième fois la "valeur verte" de son électricité aux clients du fournisseurs.
Et si vous n’êtes pas convaincu, mettez vous à la recherche d’un modèle alternatif. Par exemple, Planète OUI achète des certificats mais aussi l’électricité qui va avec en Allemagne, Belgique, Suisse... Le chouchou des comparatifs, Enercoop, passe exclusivement par des accords avec des producteurs français. Mais cela a un prix, qui a d’ailleurs poussé Planète OUI à faire ses courses vertes à l’étranger : puisque les producteurs peuvent vendre leur courant au prix fort à EDF, Enercoop doit les payer un tarif équivalent s’il veut les convaincre. Mais à la différence d’EDF, la coopérative ne touche aucun remboursement de l’État.
Elle a d’ailleurs déposé une plainte en 2006 devant la Commission européenne, pour dénoncer ce que le PDG de Planète OUI Nicolas Milko appelle le "monopole d’EDF sur la CSPE". Le problème pourrait être résolu par la loi NOME, dont l’examen est prévu au printemps 2010. Une loi qui doit permettre de répondre aux nombreuses critiques de Bruxelles sur le marché de l’électricité français. "A ce jour, le gouvernement ne nous a pas consulté", regrette Nicolas Milko.
Photo : caveman_92223
le comparatif Ecolo-watt de Greenpeace (chiffres de 2007)
les certificats verts expliqués par Observ’ER
l’électricité verte sur Energies Infos