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"Bali a accouché d’une demi-souris"
jeudi, 20 décembre 2007
/ Corinne Lepage / Avocate, ancien Ministre de l’Environnement, Présidente de Cap21. |
Le ministre de l’environnement estimait à la clôture du sommet de Bali que "quelque chose d’historique s’était produit". L’ancienne candidate à la présidentielle Corinne Lepage est pour sa part beaucoup plus sévère sur la question. Chronique.
Les peuples de la Terre peuvent aujourd’hui accuser les gouvernants participants à la conférence de Bali , en fait, plus précisément ceux qui ont délibérément torpillé tout accord permettant de prendre date, sur des bases chiffrées, en vue d’un accord à Copenhague en 2009 prenant la suite de l’accord de Kyoto.
Ce qui vient de se passer apparaîtra très certainement, dans les années qui viennent, comme une preuve supplémentaire de l’égoïsme et de la cécité de ceux qui ont décidé de l’avenir du monde en fonction de leurs intérêts propres et immédiats.
En effet, les dernières conclusions du GIEC, qui, pour la première fois, parlent d’irréversibilité, les constatations d’ordre scientifique sur l’évolution du Groenland ou de l’Arctique, l’accumulation des preuves du changement climatique et du risque qu’il fait courir à l’humanité, permettant aujourd’hui de parler, en ce qui concerne cette question d’application du principe de prévention et même plus, du principe de précaution, les messages de détresse lancés par les populations de Papouasie et d’autres iles qui constituent les premiers réfugiés climatiques et qui ne peuvent déjà plus se nourrir normalement, n’auraient pas dû laisser le moindre choix aux responsables réunis à Bali.
Or, malgré les efforts du secrétaire général de l’ONU, malgré la position unitaire et ferme de l’Europe, cette réunion a accouché d’une demie souris.
La seule avancée réelle concerne l’avancée du projet Reed, dont l’objectif est de financer les pays du Sud pour qu’ils conservent leurs forêts ou reboisent. Il faut rappeler que la déforestation représente 27 % du total des émissions de CO2, soit plus que le transport et que la valeur de la forêt n’est pas seulement d’ordre écologique, entame de séquestration de carbone mais également le lieu majeur de la biodiversité est un lieu de vie essentielle. La banque mondiale a consacré 208 millions d’euros à des projets pilote de surveillance, ce qui est loin des 5 milliards de dollars auquel Nicolas Stern évaluait les moyens nécessaires à mettre en place.
Une seconde avancée , plus modeste, consiste en la mise en place d’un fonds d’adaptation, sous la tutelle du fonds mondial pour l’environnement, destiné à financer des transferts de technologie. Pour le reste, l’obstruction américaine a plombé tout accord ce qui conduit à s’interroger sur le point de savoir qui gouverne vraiment le monde et quelles solutions on pourrait proposer pour mettre un terme au crime de non-assistance à humanité en danger.
La proposition d’Al Gore de conclure un accord en laissant de côté les États-Unis avec comme objectif probable de stigmatiser cette attitude inadmissible mais ne permettait pas de faire réellement avancer la position internationale. En effet, les États-Unis ne sont pas seuls, malheureusement. Le Canada et l’Australie soutiennent une position très proche, pour des raisons d’intérêt économique immédiat cependant que les pays pétroliers et leurs alliés traditionnels ont toujours pris la position la plus favorable à l’or noir.
Ce comportement est la négation même du politique dont la fonction, si elle existe, consiste précisément à organiser la vie de la cité pour lui permettre la pérennité. Cela signifie que la politique, au niveau international n’a strictement plus aucun sens, en ce qui concerne au moins un des périls majeurs qui menacent l’humanité. Cela signifie que les représentants des terriens, élus ou autoproclamés pour certains, font des choix qui s’inscrivent délibérément à l’encontre des intérêts premiers des populations qu’ils sont censés représenter.
Cela signifie, par conséquent, que la représentation actuelle de la société internationale ne peut plus prétendre représenter les intérêts des femmes et des hommes présents et à venir, mais s’est soumise à d’autres maîtres du monde dont on se pose parfois la question de savoir s’ils ont encore conscience d’être des humains.
Dès lors, c’est bien la question de la gouvernance mondiale, lorsqu’il s’agit de questions planétaires qui intéressent tous les humains comme la question climatique, qui est en cause.
Cela signifie donc que c’est à la société civile de prendre son destin en main puisque ses responsables politiques ne sont pas capables de le faire pour elle... Ce sont aux milliers d’associations de défense de l’environnement, de développement, de consommateurs, voire aux syndicats professionnels et au monde économique et financier dans la partie qui est demanderesse à une véritable révolution pour permettre la réorientation de l’économie, de s’organiser pour imposer le changement qui nous est refusé. Nous avons l’ardente obligation de refuser l’attitude suicidaire que quelques dirigeants ont décidé d’adopter.
A la non-assistance à humanité en danger, nous devons répondre par la mobilisation de toutes les consciences et les volontés humaines.
Le blog de Corinne Lepage