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« Les mille et une nuits I, II et III », triptyque tripant
mardi, 30 juin 2015
/ Anne de Malleray
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De Miguel Gomes. Sortie les 24 juin, 29 juillet et 26 août.
« Mais quelle (…) est-on en train de faire ? », écrit Miguel Gomes dans son carnet de bord de tournage. « J’ai l’impression d’être Ed Wood (réalisateur considéré de son vivant comme le plus mauvais de tous les temps, ndlr) ! Ce matin, nous avons fait des essais avec 73 acteurs et distribué des godemichés à tout le monde (tournage des hommes qui bandent dans la semaine). Déjeuner en regardant des photos de chameaux. L’après-midi, visionnage des vidéos de témoignages de chômeurs d’Aveiro (ville portugaise, ndlr) pour le film de fin d’année : j’en sors accablé. » Nous, au contraire, on sort de ces Mille et une nuits éblouis. Car ce joyeux bordel qui semble dépasser son créateur produit une épopée magnifique – en six heures et trois épisodes – qui articule politique et merveilleux, fiction et réalité. S’y croisent entraîneurs de pinsons et mauvais génies, bandits de grand chemin et fonctionnaires impuissants du Fonds monétaire international, chiens parlants et camés en rédemption pour ne citer que quelques-unes des figures étranges qui composent cette fresque du Portugal en crise.
C’est elle le point de départ du film, tourné en réaction au plan d’austérité drastique mené par le gouvernement à partir de 2011. Pour cela, Miguel Gomes a recruté des journalistes entre l’automne 2013 et l’été 2014, chargés de se faire l’écho du pays bruissant de manifestations, expulsions et licenciements. Mais, dépassé par le foisonnement des récits tragiques, Gomes abandonne son poste (dans le premier épisode) et laisse la place à Shéhérazade, conteuse hors pair, seule capable de relater ces drames et d’en trouver le sens. Les films se nourrissent des drames sociaux ou personnels – que les journalistes, déployés sur le terrain, ont remontés – et les restituent sous forme de fables qui mêlent réalisme et fantasmagorie.